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Décryptons la décrispation [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Le mercredi 22 septembre 2021, à l’occasion d’une audience de très haut niveau au Palais de la République, le vocable décrispation a pris élan et retentissement nouveaux, jeunesse et couleurs nouvelles, dans le paysage lexical béninois. Mais avant, l’on savait que, dans les maisons et dans la cité, les crispations appelant décrispation existent à profusion.
A la maison, entre Papa et sa fille de 13 ans, la crispation est intense. La fille évite Papa, le croise en renchérissant les gestes anti Covid-19. Maman a voulu les décrisper, mais Papa lui a balancé qu’elle était la cause première de la crispation pour n’avoir pas été une bonne éducatrice. « Je te le dirai toujours ». Envoyée sur les roses, la mère renonça à décrisper père et fille. Vint à passer, « pour un petit coucou », la sœur de Monsieur. La demoiselle s’empressa de raconter à sa tante la barbarie (sic) de Papa qui, pour une histoire de bouteille vide, l’avait giflée, torturée (sic) devant des amis. « Je ne lui parle plus ! » La présence d’intrus lors de ses supplices en avait rajouté des tonnes à la crispation. La tante décida de décrisper son frère tortionnaire, à condition que la fifille acceptât de décrisper son père en lui présentant des excuses. Ayant dit, elle alla trouver son frère. Elle lui rappela que l’enfant était en pleine adolescence et qu’on ne devait pas crisper cette étourdie chaque fois qu’après avoir vidé la bouteille d’eau, elle la remettait vide au réfrigérateur. « C’est de leur âge ! » Et que sa fille à elle, 15 ans, savait allumer mais pas éteindre, et qu’elle appauvrissait la famille pour enrichir la SBEE, et que « je suis plus à plaindre que toi », et que sa boudeuse était prête à le décrisper avec des excuses. « Et puis, frangin, toi et moi devons aussi nous décrisper pour éviter, au bout de nos colères crispantes, un AVC de la finale crispation. »
Dans la cité, selon les chiffres de l’OMS parus pendant l’audience dédiée à la décrispation, le Bénin venait d’enregistrer 154 morts du Covid-19. Et les sceptiques de jubiler. Ce sont les rejetons des négationnistes du sida. Absents des 154, ils estiment qu’en une année et demie de pandémie, ces 154-là sont une broutille et non une hécatombe, et que l’Etat doit décrisper immédiatement le peuple, ordonner le rallumage de tous les Soleil de Minuit pour que les Béninois qui le désirent aillent s’y décrisper du vendredi au dimanche à coups de décibels, whisky et déhanchements, qui décrispent l’âme, le cœur et le corps.
Décryptons et constatons que la tante et les sceptiques sont en position délibérée et généreuse de médiation pour décrispation. La tante a dû réussir sa décrispation pour avoir apporté en contrepartie les excuses de la demoiselle. Les sceptiques, par contre, échoueront à convaincre l’Etat de décrisper parce qu’ils apportent en contrepartie des morts en plus, alors que l’Etat n’a fait l’option ni de 154 ni d’une hécatombe, mais de zéro mort-Covid-19.
Fort de ce bref décryptage, on voudrait savoir si l’expert en décrispation politique entré en fonction le 22 septembre 2021 était mandaté par ses amis en peine. Si oui, était-il porteur de leurs propositions pour que, à leur niveau, le verre de la décrispation soit plein au moins à moitié avant toute négociation ? Car dans l’affaire de libération de X ou Y en prison, de retour au pays de X ou Y partis en exil, libres et riches, ce ne peut pas être du « Moi je demande, lui décide », ce doit être du donnant-donnant pour que force reste à la loi, pour que l’on marche vers justice et égalité dans la cité, et que respect républicain soit à la jeune dame qui purgea six mois de prison ferme pour avoir volé, dit-on, un panier de tomates au marché Kpassê à Ouidah. Nul ne songea à elle pour décrispation. Elle représente la veuve et l’orphelin, les petits et les humbles qui, dans les prisons, finissent tranquillement de purger leur peine avant de recouvrer la liberté. Sans titre de gloire, ils n’inspirent pas décrispation. Ils méritent cependant le respect de la République qui aspire à plus de justice et d’égalité.

Roger GBÉGNONVI

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