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Etranges parents des futurs citoyens du Bénin [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Un rituel devenu. Septembre-octobre, la supplique : « Pépé, tu m’aideras pour les cahiers et les livres de mes enfants ? La scolarité aussi, je t’en prie. Seule, je n’y arriverai pas. » L’âge vous a fait pépé de tous. Et pour les jeunes mères éprouvées qui vous connaissent peu ou prou, vous êtes une providence possible, car les moyens que la rumeur vous prête vont au-delà du train de vie bucolique qu’on vous voit mener. Il va donc de soi qu’elles vous invitent à apporter votre obole pour la scolarité de vos petits-enfants. Avec leurs mamans ils habitent à l’étroit, souvent chez les grands-parents, ou en location dans des réduits insalubres. Ces jeunes dames vivotent en s’occupant à des bricoles. Et nul ne peut jurer qu’elles ne se vendent pas un peu parfois pour l’amour de leurs enfants. D’autant que certaines se sont dénoircies pour allumer les regards sur elles. Trois confessions, prises au hasard, racontent l’histoire de leur meurtrissure. La plus âgée du trio avoue 41 ans.
La première :- Pépé, je ne sais pas si tu peux me croire, mais c’est la vérité. Il y a deux ans, il est venu me voir chez ma mère et m’a déclaré devant elle qu’il me faisait cadeau des trois enfants et qu’il ne voulait plus désormais qu’on lui en parle. Maman et moi avons été sous le choc, vu qu’il ne me reproche aucune grave inconduite et revendique la paternité des trois. De toute façon, ils sont ses portraits. Mais c’est moi qui les ai portés durant neuf mois dans mes entrailles. Chassée de chez lui, je les avais pris et nous nous serrons chez ma mère où ils vivaient déjà à sept dans deux pièces. Et la nuit, c’est l’embouteillage des corps à même le sol. Et les ronflements des ronfleurs empêchant le sommeil des non-ronfleurs…
La deuxième :- Ah, Pépé, je sais que tu ne me croiras pas. Mais quel intérêt aurais-je à te mentir ? Sur ma demande, la rentrée approchant, notre aînée, 16 ans, lui a téléphoné pour son aide. Main-libre. J’ai tout capté. Il a abreuvé d’injures Sonia, lui a hurlé que ça fait des années qu’il n’a plus rien de commun avec sa putain de mère et ses bâtards. Et patati et patata. Moi putain, nos quatre enfants bâtards. Parce qu’une putain féticheuse l’a agrippé et l’envoûte un peu plus chaque jour. La sorcière ! Cette chipie a eu cinq enfants d’un autre homme. Si elle n’est pas diplômée en gris-gris terroristes, comment a-t-elle pu m’évincer et s’installer ? Pépé, tu sais des choses, tu dois répondre à ma question. Hein, les gris-gris !…
La troisième :- Moi, Pépé, terminé avec mon gars ! Plus rien à espérer de lui. Deux ans de plus que moi, et déjà dix enfants, non compris mes deux garçons. Il est présent dans tous les jupons de la ville. Il vous promet la stabilité et son aide pour un emploi. Un vernis de tendresse, et vous croyez vos rêves réalisés. Et puis, vous devenez un objet démodé. Moi, un torchon à jeter ! Il accepte encore que nos deux garçons aillent passer des vacances chez lui. Mais j’ai peur qu’on me les tue. Jalousie, vengeance, ça existe et ça tue. Oui Pépé, ça tue !…
Les hommes en cause n’ont contracté avec ces dames aucun des trois mariages en vigueur. A la question pourquoi elles sont allées vers eux, la réponse est unanime : la femme doit faire des enfants. A la proposition de les aider à porter plainte pour mettre les géniteurs face á leurs responsabilités, la protestation est unanime : une femme ne traîne pas au tribunal le père de ses enfants. Ce tabou, vestige des temps anciens, va-t-il perdurer ?
Etranges parents des futurs citoyens du Bénin ! Il y a un siècle, la polygamie était la règle, mais le père était là, responsable et respecté, même si la mère était prépondérante. Leurs enfants ont façonné, vaille que vaille, le Dahomey-Bénin. Si les trois jeunes dames ci-dessus devenaient la règle ou déjà le sont, que sera demain le Bénin façonné par des enfants délibérément ignorés de leur père ? Peut-être le Bénin de l’excellence et de tous les succès. Pourquoi pas ? Grâce à l’amour ineffable des mères. L’amour inentamable des mères.

Roger GBÉGNONVI

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