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Expliquer l’affaire ANaTT [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Tu pérores sans cesse avec les étoiles dans le ciel bleu des idées roses. Pour t’édifier, voici un lieu morose de notre sol poussiéreux, cactus et cailloux. Oui, l’Audit ANaTT 2016-2020. S’ils sont d’authentiques Béninois, même les enfants-de-chœur me comprendront.
D’abord, dis-moi : qu’y a-t-il dans notre histoire politique passée et récente qui puisse pousser le Béninois à ce que tu appelles la vertu ? Si tu prends notre personnel politique, il est tout ce que tu voudras, sauf vertueux. Au triumvirat présidentiel initial on ne peut pas reprocher d’avoir pratiqué à outrance la politique-bouffe. Ils étaient surtout intéressés à être chacun LE chef. Ils ont donc usé leur temps et abusé du temps du pays à jouer la chefferie un contre deux et deux contre un. Ce n’étaient pas des parangons de la vertu politique. Ils n’ont certes pas mangé à très haute intensité, mais ils ont contribué à dresser la table pour l’ininterrompu dîner. Tu connais mieux que moi l’histoire du chassé-croisé éhonté entre civils et militaires : « Sortez de là, vous vous êtes assez empiffrés, c’est notre tour maintenant de manger ! » Et rien que le piment pour relever le goût des plats était facturé à 1.000.000 f CFA. Tu te souviens ? C’est dans cette tradition d’abondance que l’ANaTT s’est vautrée.

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Et moi au sein de l’ANaTT-Dieu-Providence, qui suis-je pour dire non à l’abondance ? N’est-ce pas pour elle que j’ai galéré pour avoir des diplômes ? Et puis, ce que tu appelles LE peuple avec componction, m’indiffère, autant que le pays ou la nation, autant que l’Etat que tu es tout seul à voir « au chevet du peuple », comme tu dis. Moi je n’appartiens qu’á mon village dans mon ethnie. Là, je suis LE héros. Une héroïcité que je paye cash. On me sollicite constamment pour réparer les cases d’adoration des dieux venus s’incruster dans le village. Quand meurt un notable, tout le monde attend « le grand frère », moi, pour que je déploie l’artillerie lourde de célébration du cadavre. Quand ma femme lettrée a décidé sottement de s’arrêter à deux enfants, le village, furieux, s’est mobilisé contre elle et m’a octroyé trois filles simples, fières de faire des petits pour le cousin de la ville. Je les gère avec pompe dans mes trois villas épanouies au milieu des cases du village. Ô excellence de mon existence !
Je rayonne dans et pour mon village. Ma carte d’identité nationale ? C’est pour avoir le droit de rayonner de l’Atakora à l’Atlantique au nom de mon village et pour mon village. J’ai de même un livret de catholicité, et je paye le denier du culte. Kérékou aussi avait le sien, qu’il entretenait avec piété. Le jour de ses obsèques, l’évêque de Natitingou l’avait brandi au-dessus de son cercueil comme un trophée sacré. Ô liturgie grandiose, spectacle auguste ! Le Général et moi avons compris qu’il est livrets et cartes qu’il faut avoir pour rayonner hors-village et pour bénéficier des avantages proposés par les instances mondialisées.

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Cher ami moraliste, comprends que moi, dans mon village, au sein de mon ethnie, j’affronte des dépenses auxquelles ne suffit pas mon salaire de misère. Les rallonges qu’au sein de l’ANaTT nous nous sommes octroyées sont légales parce que légitimées à tous les niveaux par les décisions généreuses de nos directeurs. Les Béninois s’étranglent au sujet de la voiture de fonction réparée à 6.733.070 f. CFA et rachetée moins d’un an plus tard à 3.050.000 f. CFA. Et alors ? Tu as cousins, cousines, maîtresses, ils ont des notables mortels, et tout ce tremblement émarge à ton salaire de l’ANaTT ! Tu dois forcément te débrouiller.
Accepte donc cela, mon cher doyen : nous nous sommes débrouillés. Ce n’est pas un péché. Regarde, nous n’avons même pas l’argent nécessaire pour fuir en exil afin d’inventer la dictature pour la dénoncer. Nous sommes restés des fonctionnaires pauvres. Tu devrais implorer pour nous les dieux du ciel à l’église et les dieux de la terre au village. Hosanna ! Nous méritons d’être plaints et non d’être accablés. Il faut qu’on nous comprenne. Amen.

Roger GBÉGNONVI

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