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Délivrance d’actes fonciers dans la commune d’Abomey-Calavi : Quand des arrêtés font le lit à l’abus de fonction

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Malgré toute la profession de foi, l’obtention des actes occasionne encore de faux frais pour les acquéreurs de parcelle à Abomey-Calavi. En cause, l’acte réglementaire censé éviter que des agents corrompus continuent d’imposer leur loi.

Lundi 8 mars 2021. Il est 11heures. Un homme sort d’un bureau de la mairie d’Abomey-Calavi(13 km de Cotonou) et affiche un sourire qui cache mal le rançonnement dont il a été victime. Il vient de payer 5000 F Cfa représentant ses frais d’enrôlement. Ces frais ne sont inscrits nulle part sur la liste des prestations et coûts dressée par le ministère de l’économie et des finances du Bénin, dans un arrêté, applicables dans les communes. Loin d’être un cas isolé, ces faux frais illustrent la multitude de frais non justifiés que les acquéreurs de parcelles doivent débourser pour l’obtention d’un acte foncier dans la commune d’Abomey-Calavi, selon le besoin exprimé. L’arrêté municipal N°21/115/CAC/DC/SG/DRFM/DAJ/DAU/SFU/SAC, “portant fixation des frais de délivrance d’actes fonciers dans la commune d’Abomey-Calavi”, en date du 9 juin 2020 qui dresse les frais des différentes prestations n’est pas conforment à ceux de l’arrêté ministériel 2020 N°0760/MEF/CAB/SGM/ANDF/SP/112SGG20 “portant nomenclature des frais de délivrance des actes fonciers et prestations de l’Agence nationale du domaine et du foncier”, en date du 23 mars 2020, ce qui est une violation de la loi.
A titre illustratif, pour affirmer une convention de vente, l’usager doit payer cinq timbres à raison de 2000 par timbre à apposer sur les documents. Or, l’arrêté ministériel, auquel doivent se référer les communes, ne fait nullement cas de ces frais.

Extrait de l’arrêté municipal portant fixation des frais de délivrance d’actes fonciers dans la commune d’Abomey-Calavi

Étonnante argutie…

Interrogé sur cette irrégularité, Noël Hounyè, directeur des affaires foncières et de l’aménagement urbain de la mairie d’Abomey-calavi explique : « La Mairie est en quête de ressources financières pour faire face aux nombreuses charges.» Même s’il est vrai que l’État a fixé les frais des différentes prestations, les Mairies du Bénin en l’occurrence celle d’Abomey-Calavi est confrontée à d’autres réalités qui l’obligent à revoir les frais et prestations indiqués, argue Noël Hounyè, responsable du service domanial de la commune d’Abomey-Calavi. « Les 5000 francs CFA d’enrôlement du propriétaire ou présumé propriétaire d’une parcelle sert à assurer la maintenance du système informatique appelé “fair foncier” où est stocké les données de tous les usagers des actes fonciers », a-t-il ajouté.

Selon la loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres
infractions connexes en République du Bénin, l’article 53 parlant de l’abus de fonction en son chapitre V, dispose que : « est puni d’un emprisonnement de cinq (05) ans à dix (10) ans et d’une amende d’au moins deux millions (2 000 000) de francs sans que cette amende ne peut excéder cinq millions (5 000 000) de francs tout agent public qui aura intentionnellement abusé de ses fonctions ou de son poste, en accomplissant ou en s’abstenant d’accomplir, dans l’exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois afin d’obtenir un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne ou entité…» Au regard de la loi, le Conseil communal est donc dans une situation d’abus de fonction puisqu’il ne respecte pas les indications de l’arrêté ministériel.

Extrait de l’arrêté ministériel portant nomenclature des frais de délivrance des actes fonciers et prestations de l’Agence nationale du domaine et du foncier

Sur les faits d’abus de fonction, Franck Kinninvo, expert en gouvernance locale et sur les questions de la décentralisation est réservé. Pour lui, l’arrêté du ministère de l’économie et des finances en question viole aussi la loi. Par conséquent annule les faits d’abus de fonction soulevés. « En vertu de la libre administration des collectivités territoriales consacrée par l’article 151 de la Constitution, l’arrêté du ministre de l’économie et de finances devrait être en application d’un décret ou en application d’une loi pour être valable. Je n’ai vu aucune référence à une loi ou à un décret qui habilite le ministre de l’économie et des finances à prendre cet arrêté », déplore Franck Kinninvo. « En principe, cet arrêté devrait être déféré devant le juge administratif. Et je suis sûr que le juge administratif va simplement et purement annuler cet arrêté », fait observer l’expert en gouvernance. Et ajoute : « Le ministre ne peut encadrer si la loi lui en donne la compétence ou si un décret lui habilite parce que nous sommes dans le cadre des collectivités territoriales qui sont protégées par la libre administration qui a un principe constitutionnel. Donc je pense que sur la base des dispositions combinées de la loi 97029 et des deux lois qui constituent le code domanial et foncier en République du Bénin, le maire d’Abomey-Calavi peut valablement prendre un arrêté pour compléter et créer des nouvelles procédures parce que la commune dispose d’un pouvoir réglementaire, autonome qui est distinct du pouvoir réglementaire de l’Etat et des collectivités territoriales.»
Ce point de vue n’est pas partagé par Xavier Zola, juriste, expert en matière foncière et auteur du livre “La réforme foncière au Bénin, pour vous et moi”. Pour lui, pour comprendre ce dont il s’agit, il faut remonter à la philosophie qui a conduit à la réforme foncière au Bénin. « Nous sommes dans une matière spécifique. Le Livre Blanc de la Politique Foncière et Domaniale a bien tracé le cadre en indiquant entre autres la nécessité de simplifier et standardiser les démarches et formalités et d’encadrer les coûts », rappelle d’abord l’Expert.
« Le Code Foncier et Domanial a disposé entre autres que toutes les pièces à délivrer en matière foncière doivent être expressément prévues par lui sous peine de sanction pénale. Il va sans dire qu’il faut s’en tenir uniquement aux formalités et actes prévus par le Code Foncier et Domanial. Donc, une commune qui décide d’instaurer une pièce ou une formalité non prévue par le Code se met en marge de la loi », soutient Xavier Zola. Mieux, il ajoute : « C’est une autre loi majeure, la loi des finances, qui fixe les coûts à payer depuis quelques années pour éviter les disparités criantes que tout le monde dénonce dans le pays. L’arrêté ministériel dont vous parlez est prévu par la loi des finances depuis 2020 pour fixer le cadre des prix à appliquer sur l’ensemble du territoire».

ENCADRÉ

La personnalité juridique et l’autonomie financière des communes est consacrée par les articles 2 et 3 de la loi 98-007 du 15 janvier 1999 portant régime financier des communes en République du Bénin. De ce fait, les conseils communaux sont habilités à prendre des actes pour mobiliser des recettes fiscales. Il s’agit entre autres du produit des impôts directs que sont la taxe de développement local, les contributions foncières de propriétés bâties et non bâties.
Toutefois, à la faveur d’une réforme foncière, l’Etat a mis en place un encadrement à partir des orientations de ladite réforme foncière et des dispositions légales et réglementaires en la matière. Ainsi, le Livre Blanc de la Politique Foncière et Domaniale a fixé le cadre dans lequel doivent rester les communes et municipalités du Bénin pour rentrer dans les orientations stratégiques nationales pour la réussite de la réforme foncière.

Venance TONONGBE

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