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Et le virus mute à l’image de l’homme mutant [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Non seulement le Covid-19 est insaisissable, mais dans son insaisissabilité il mute, en des variants plus énergiques que la souche première, ce qui, évidemment, fait enrager le genre humain, les médecins virologues en tête. Alors, comme s’il voulait révéler l’homme à lui-même dans sa relation à soi, le Covid-19 insinue qu’il n’a pas créé l’Université des Mutants, où ne circulent point ses copains les virus, mais bien des hommes et des femmes. Alors, l’homme réfléchit et se souvient qu’il n’y a pas que ladite université sur l’Île de Gorée au Sénégal, mais que certains de ses dires et textes consacrent son caractère imprévisible et mutant, créature au comportement trop souvent salé-sucré – ô, « – Hypocrite lecteur – mon semblable – mon frère ! » – ironise Baudelaire avec justesse, sagesse et poésie.
Et le peuple Aja-Tado d’y aller de sa propre poésie pour dire l’humain : « La vie [de l’homme], c’est la palme du palmier au bord de la rivière : tantôt elle balance à droite, tantôt elle balance à gauche ». C’est ce mouvement de balançoire que le Covid-19 révèle á l’homme dans sa relation à soi. Reproche-t-on au Covid-19 de muter, il répond qu’il est dans l’ADN de tout vivant, et donc dans le sien, virus vivant, de muter. A chaque mutation, le vivant prend du poil de la bête, ce qui peut le rendre redoutable, et même sans foi ni loi. Michel de Montaigne atteste : « Certes, c’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme. Il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme. » Et Blaise Pascal lui emboîte le pas : « Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Quand Montaigne saupoudre de « merveilleusement » la vanité diverse et ondoyante, Pascal redore les blasons en y insérant « misères de grand seigneur ». Seigneur que n’épargne pas le mutant Covid-19.
Bien avant Montaigne et Pascal, la grande mystique Thérèse d’Avila avait supplié l’Eternel pour l’homme mutant affublé de son moi divers et ondoyant : « Dieu, considérez que nous ne nous entendons pas nous-mêmes et que nous ne savons pas ce que nous voulons et que nous nous éloignons infiniment de ce que nous désirons ». Chateaubriand, qui a dû lire les trois auteurs ci-dessus, les rejoint dans leur vision de l’homme : « Notre cœur est un instrument, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs. » Lyre sans doute désaccordée en plus d’être incomplète. Terrible handicap. Et sauve-qui-peut quand s’envient le mutant Covid-19.
Le peuple Aja-Tado, pour en revenir à lui, sait depuis toujours que « les choses [qui] nous assaillent et nous lacèrent » n’ont pas d’âme. Ce peuple, hélas analphabète, n’a pas lu les auteurs ci-dessus, et pas non plus Albert camus. Mais en son tréfonds, il est d’accord avec l’auteur de L’homme révolté, qui est tout uniment le philosophe de l’absurde : « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste…vient ensuite ». Pour vivre à l’ère du Covid-19 et, peut-être, survivre au Covid-19, l’homme doit rationaliser l’absurde qui l’agresse, chercher et trouver le sens de l’absurde, quitte à prendre le risque de la très philosophique saturation du sens, révélatrice du même éternel. Pour un désenchantement grandiose. Un désenchantement de « grand seigneur ».
Tâche à faire par l’homme en sa qualité de vaillant habitant de la terre. Quand Lamartine s’interroge «Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges / Jeter l’ancre un seul jour ? », c’est non ! Parce que la croissance démographique et les progrès techniques et technologiques s’accompagnent de la naissance de nouveaux virus qui mutent à l’image de l’homme mutant. Dans le malheur, si malheur il y a, restera au ‘‘grand seigneur’’ la grande consolation de Pascal, « l’homme plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt ». 

Roger GBÉGNONVI

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