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Ce qu’il faut dire aux jeunes Béninois [Chronique Roger Gbégnonvi]

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Jeunes Béninois à qui leurs vieux parents encore vivants donnent environ 50 ans d’âge. Ils n’ont donc pas été dahoméens et ne savent pas que ladite indépendance a été concoctée par nos maîtres pour que reste figé le temps colonial. Ils ne savent pas qu’en 1963 la plupart des Dahoméens murmuraient que « si c’est ça l’indépendance, les Blancs n’ont qu’à revenir ». Car la seule chose qui croissait et tendait vers la misère, c’était la pauvreté, sur fond de clameur bisannuelle de coup d’Etat militaire. Celui du 26 octobre 1972 a cru devoir éructer révolution avec ambition de guérir le Dahomey d’être « l’enfant malade de l’Afrique ». Certains des enfants, qui ont cinquante en 2020, venaient de naître et ont pu apercevoir nombre de lettrés dahoméens s’enfuir à Lomé, Abidjan, Libreville, etc., pour se mettre à l’abri de la révolution qui, parée du marxisme-léninisme, « faisait rage » et rugissait que « nous marcherons sur les cadavres ! » En 17 ans de criailleries et d’arbitraire massif, après avoir introduit la corruption dans tout le corps social, la révolution marxiste-léniniste a sombré dans les eaux crasses de la misère étale et de la pénurie généralisée. Alors apparut, en 1990, le Renouveau démocratique pour réanimer le Bénin à l’agonie. Nos enfants, qui ont 50 ans en 2020, venaient d’en avoir 30. Certains parents, qui avaient fui le malheur de l’Etat totalitaire, revinrent au bercail dans l’espoir de bâtir un certain bonheur à l’ombre de l’Etat libéral. Hélas ! Leur fit face derechef le crasseux système des choses. Dès 1996, « l’enfant malade de l’Afrique » l’était redevenu en pire parce que le Renouveau démocratique s’était lié d’amitié avec « l’immoralité politique » (sic) et, au fond de la fange, les acteurs politicards anti-patrie s’activaient en hurlant des hurlements du genre : « Tout le monde a pris l’argent, moi aussi ! » Et l’on n’a même pas fait le travail pour lequel on s’est fait acheter comme du bétail malgré le salaire garanti, les indemnités et les primes assurées. Les pieds dans la gadoue, le Renouveau démocratique imposait aux citoyens la traitrise et le mensonge dans une nuit de plus en plus épaisse, et nous savions que notre destin n’était pas loin de celui de Sisyphe, et que, de toute façon, nous tomberions toujours de Charybde en Scylla.
Nous, ce sont les vieux parents âgés de 70 ans et plus en 2020. Notre histoire de 1960 à 2016 est une histoire d’errance, de honte bue jusqu’à la lie, une histoire de désespérance. Une histoire qui a fait de nous des révoltés en permanence qui pariaient constamment sur le noir, surs l’idée que le Bénin est voué à ‘‘ça’’ et qu’il ne faut plus jamais nous raconter des balivernes du genre « tu verras, ça finira par s’arranger ! » Nous étions donc « au plus bas de la fosse » (Césaire) lorsque, en 2016, de façon inattendue, de façon improbable, à l’horizon apparut soudain comme une promesse d’aube, comme des prémices d’aurore, aperçues dans notre nuit depuis longtemps de suie. Et nous n’en croyions pas nos yeux. Oui, il y a quelque chose de grandiose et de sublime á redonner confiance à un homme, á un peuple, qui l’avait perdue, définitivement perdue. Le voici émerveillé de ce qu’on vient de le convaincre qu’il n’est pas le vaurien qu’on l’avait convaincu qu’il était. Il est enthousiaste.

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Et nos enfants, qui ont 50 ans en 2020, s’étonnent de notre enthousiasme de fin de vie. Ils ne savent pas que nous venons de très loin, de beaucoup plus loin qu’eux, et que si nous sommes indiciblement heureux, c’est de savoir que le tombeau s’ouvrira sur nous comme sur des citoyens apaisés au sujet du sort de notre cité commune. Puissent nos enfants comprendre notre joie de pouvoir enfin proclamer avec Aimé Césaire que « il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite ». Ô Bénin ! Ô mon âme !

Roger GBÉGNONVI

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