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[Roger Gbégnonvi] Covid-19 et casse-tête béninois

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Désolation. Economie, politique, religion, loges, olympiades, arrêt-maladie toutes ! Vus à la télévision, boulevards vidés, mégalopoles désertées, pas âme qui vive. Où sont les hommes ? « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. », répond La Fontaine. Et Albert Camus de lui faire écho : « Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux.» Les aléatoires survivants ne peuvent pas être heureux, cloitrés, et regardant la télé qui montre les hôpitaux sursaturés, les cercueils en sortir, vite emportés par l’armée, sans cérémonie d’adieu. Sidéré, quelque Béninois se demande : « Et si l’impitoyable virus, qui rôde autour du Bénin aussi, finissait par défoncer nos portes ? » Par peur, pudeur ou décence, il ne répond pas. Superstitieux, il sait que, à dessiner le diable sur les murs, il finit par se présenter en personne. Se taire donc et honorer les mesures-barrières dictées par le Gouvernement.
1.- Se laver les mains. Deux présidents africains en ont donné le bel exemple à la télé. Robinet fonctionnel et jaillissant. Savon moussant blanc avec enthousiasme. En vérité, c’est du très grand luxe. Pour le plus grand nombre, l’eau du puits ou de la rivière est douteuse, parfois boueuse, le savon peu moussant et moussant couleur trouble. De toute façon, au premier billet de banque que vous prenez et froissez comme de coutume, vos mains lavées sont plus sales qu’avant lavage. Trimbalés avec joie de mains pleines d’huile de moteur en mains pleines de graisses de cuisine, nos billets sont des torchons vecteurs de mille agents pathogènes. Mais nous nous empressons toujours de les encaisser, crottés, parce que l’argent ne se refuse pas. Nous Vaincrons le Covid-19. Après quoi, associé à son collègue de l’Economie et des Finances et aux banques, tel Ministre devra nous apprendre à respecter, soigner et garder propre notre plus grand moyen d’échange interpersonnel après la parole.
2.- Rester confiné chez soi, sortir le moins possible. La belle affaire ! Quelques-uns d’entre nous ont deux chambres à coucher et un salon pour Papa, Maman et leurs deux enfants. Le plus grand nombre se retrouve à dix personnes environ dans une case et demie. C’est pourquoi, quand ils ne sont pas à l’école ou au champ, les enfants sont dehors, jouant par grappes et affinité dans les rues et les sentiers. C’est aussi pourquoi, la nuit tombée, fuyant la chaudière qu’est la case et demie, tout le monde s’étale dehors, en tenue d’Adam – Eve couvre l’essentiel – et, entourés d’anti-moustiques fumants, on ronfle en chœur à la belle étoile. Ainsi, chaque jour, le confinement se dégrade en promiscuité, qui est ce que le Covid-19 recherche pour s’installer, se propager et tuer. Sollicité pour arrêter la promiscuité, tel Ministre a réfléchi, remué la tête, murmuré « casse-tête » et donné sa langue au chat.
Mais la verve vaillante des Nègres savants fait rage sur les réseaux sociaux pour guérir les Béninois. Telle feuille très amère, qu’on trouve partout, cueillie, pilée et dont vous avalez le jus, telle écorce, écrasée, ajoutée au piment rouge dans la sauce, et le ndolé, ah le miracle du ndolé camerounais ! Le tout arrosé de notre bonne gnôle, notre sodabi aimé, avalé avec amour six fois par jour, plutôt à 50° qu’à 45, sans faire glouglou en gueule, envoyé tac, tout droit dans l’estomac. Et votre Covid-19 a détalé sans demander son reste. C’est sûr.
Hélas, des Béninois pleins d’âge, ayant appris que le méchant virus emporte d’abord les seniors, pensent qu’il est idéal que le Covid-19 oublie le Bénin. Ils pensent que les jeunes gens ci-dessus sont gentils mais trop forts en audios et vidéos narcissiques, et qu’il faut les ignorer. A voir ce qui se passe en Europe où ils ont des arguments autres que nos brouillards charlatanesques, le Covid-19 rayerait le Bénin de la carte du monde et laisserait le reste de l’humanité continuer sans lui. A Dieu ne plaise ! Car l’humanité attend, depuis longtemps, que le Bénin apporte sa pierre spécifique et d’autant précieuse à la construction du Temple.

Roger Gbégnonvi

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