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[Chronique Roger Gbégnonvi] Covid-19: Lectures pour temps de sauve-qui-peut immobile

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Pour la première fois de son histoire et de la nôtre, le sanctuaire de Lourdes a fermé, lui aussi, le 17 mars 2020. Quel message ? Signe, en tout cas, que l’histoire humaine en 2020 est entrée, soudain, dans une ère qui impose étrangement une solitude volontaire, presque absolue, pour un possible salut que personne ne trouvera dans la fuite, mais chacun dans l’immobilisme, le sur-place, le confinement, le face-à-face avec l’ennemi invisible, pourtant menaçant et mortifère. Et voici que ceux qui le peuvent s’isolent dans les livres. Puissent-ils ignorer les textes qui peignent la vie en rose, et se tourner vers la prose qui épouse la gravité du temps présent, les textes qui disent, avec franchise, le tragique de la condition humaine.
Voici le psalmiste : « Vois, d’un empan tu fis mes jours, / ma durée est comme rien devant toi ; rien qu’un souffle, tout homme qui se dresse, / rien qu’une ombre, l’humain qui va ; / rien qu’un souffle, les richesses qu’il entasse, / et il ne sait qui les ramassera. » (39/6).
Voici Blaise Pascal : « Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur ; gloire et rebut de l’univers. Qui démêlera cet embrouillement ?… Connaissez donc, superbe, quel paradoxe vous êtes à vous-même. Humiliez-vous, raison impuissante ;… » (Les pensées).
Voici Albert Camus : « Cette épidémie ne m’apprend rien, sinon qu’il faut la combattre à vos côtés. Je sais de science certaine que chacun la porte en soi, la peste, parce que personne, non, personne n’en est indemne. Et qu’il faut se surveiller sans arrêt pour ne pas être amené, dans une minute de distraction, à respirer dans la figure d’un autre et à lui coller l’infection. Ce qui est naturel, c’est le microbe. Le reste, la santé, l’intégrité, la pureté, si vous voulez, c’est un effet de la volonté et d’une volonté qui ne doit jamais s’arrêter. L’honnête homme, celui qui n’infecte presque personne, c’est celui qui a le moins de distraction possible…. Oui, c’est bien fatigant d’être un pestiféré. » (La peste).
Voici Cheikh Hamidou Kane : « Dieu en qui je crois, si nous ne devons pas réussir, vienne l’Apocalypse ! Prive-nous de cette liberté dont nous n’aurons pas su nous servir. Que Ta main, alors, s’abatte, lourde, sur la grande inconscience. Que l’arbitraire de Ta volonté détraque le cours stable de nos lois… » (L’aventure ambigüe).
Bien entendu, ce sont propositions de sombres viatiques pour résister dans le noir, confiné et solitaire, comme vous y oblige la gravité des temps. Et si au bout de ce tunnel de noirs mantras, la peur de mourir ne vous a pas tué et que la psychose ne vous a pas arraché la raison, vous aurez appris l’humilité et la bonté. Vous aurez appris une convivialité sertie de sincérité. Vous pourrez alors entrer dans le courant d’optimisme de Teilhard de Chardin.
Voici Pierre Teilhard de Chardin : « Un à un, Seigneur, je les vois et les aime, ceux que vous m’avez donnés comme soutien et comme charme naturels de mon existence. Un à un aussi, je les compte, les membres de cette autre et si chère famille qu’ont rassemblée peu à peu, autour de moi, à partir des éléments les plus disparates, les affinités du cœur, de la recherche scientifique et de la pensée. Plus confusément, mais tous sans exception, je les évoque, ceux dont la troupe anonyme forme la masse innombrable des vivants : ceux qui m’entourent et me supportent sans que je les connaisse ; ceux qui viennent et ceux qui s’en vont ; ceux-là qui, dans la vérité ou à travers l’erreur, à leur laboratoire ou à l’usine, croient au progrès des Choses, et poursuivront passionnément aujourd’hui la lumière. »
Au sortir de l’épreuve, qui vous aura purifié comme le feu l’or, puisse ce chant de l’« Hymne de l’Univers » devenir vôtre, parfaitement vôtre, pour le bonheur de l’homme.

Roger Gbégnonvi

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