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[Chronique Roger Gbégnonvi] Interdire d’antenne le charlatan au Bénin

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La démocratie libérale n’autorise ni le faux ni la fraude. Aussi le Gouvernement de la Rupture fait-il la guerre aux faux médicaments et ordonne aux pharmaciens de se fournir auprès des laboratoires agréés afin que soit respecté le citoyen malade et que sa maladie ne devienne pas un lieu de marchandisation susceptible de faux et de fraude.
Mais il aura échappé au Gouvernement de la Rupture que le charlatan béninois en est exactement à la marchandisation de la maladie, en est au faux et à la fraude sur le citoyen malade ou susceptible de l’être. Est appelé ici charlatan celui qui fabrique et vend des mixtures à ingurgiter et des objets à porter, le tout censé guérir moult maladies et désamorcer la sorcellerie. A frais évalué entre 500 et 5.000 f. CFA, le charlatan offre santé, chance et bonheur. N’est pas ici en cause son existence : il est figure de notre paysage traditionnel et n’en disparaîtra pas demain. Est ici en cause le fait que, moyennant paiement, il s’étale en éloquence sur les radios et les télévisions, s’adjugeant ainsi une crédibilité qui en appelle à la foi et non à la raison et à la science. Radios et télévisions, publiques ou privées, ont reçu l’aval de l’Etat sur recommandation de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, qui tient sa légitimité de la Constitution. Dès lors, le charlatan vaticinant à la radio ou à la télévision le fait avec, en filigrane, la caution de l’Etat et de la Constitution. S’il s’avère qu’il affabule, il trompe le citoyen malade, et ridiculise l’Etat et la Constitution.
Et l’on aurait tort d’invoquer la religion pour tolérer le charlatan sur nos ondes. Lorsque pasteur et imam prêchent Dieu-Allah et l’au-delà, et que le pasteur énonce ‘‘Jésus guérit’’, lui et l’imam s’appuient sur le christianisme et l’islam qui, tout en montrant le ciel, ont quand même su instaurer sur la terre deux civilisations conquérantes. Le charlatanisme ne se prévaut et ne peut se prévaloir d’aucun dynamisme puisque sa stratégie, si c’en est une, tient de l’attentisme confiant et béat : l’individu ingurgite et porte, et l’effet attendu est censé advenir. Magie. Miracle. Le charlatanisme est un abus de pouvoir exercé par le charlatan-commerçant sur le citoyen malade ou angoissé, et dont la maturité et la lucidité ont été affaiblies par le malheur réel ou supposé. En interdisant d’antenne le charlatan-bonimenteur, l’Etat se désolidarise de son emprise psychologique sur le citoyen fragilisé.
Les vertus empiriques des plantes sont ‘‘magiques’’, ‘‘miraculeuses’’, jusqu’á ce que lesdites plantes entrent en laboratoire où chimistes et physiciens dégagent et précisent leur principe actif, précisent aussi dans quelles conditions le patient peut en user sans dommage, sans risque, par exemple, d’insuffisance rénale, fatale. Sans ce préalable, sous prétexte de santé, de chance et de bonheur, le charlatan propage, à son insu peut-être, un espoir vain et dangereux. En l’interdisant donc d’antenne, le Gouvernement de la Rupture ne protège pas que le citoyen aux abois, il protège aussi le charlatan contre lui-même, il lui fait comprendre qu’il doit s’en remettre à la rationalité. Le Gouvernement de la Rupture exigera donc du charlatan qu’il passe par la case laboratoire, microscope et rayons laser afin d’obtenir pour ses mixtures, ses bagues et consorts, le label de l’efficacité scientifique. Pas tout à fait certaine, mais plus sûre que tous les empirismes et la batterie de grigris hérités des ancêtres.
Pendant que le charlatan remplit les formalités d’obtention d’un brevet officiel et crédible, radios et télévisions combleront avec intelligence le manque à gagner après avoir compris, elles aussi, que mirage et chimère charlatanesques ne sont pas l’avenir du Bénin.
En tout état de cause, et dans les conditions actuelles de pratique de la charlatanerie, si le Gouvernement de la Rupture interdit d’antenne le charlatan au Bénin, il fait œuvre de santé publique. C’est une urgence. Et c’est une exigence de la démocratie et de la liberté.

Roger Gbégnonvi

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