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[Chronique Roger Gbégnonvi]: Itinéraire dahoméen des malheurs sahéliens

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Les tueries à répétition dans la zone sahélienne au-dessus du Bénin ont tenté, il y a peu, de s’exporter au Bénin par infiltration ponctuelle dans le Parc de la Pendjari. Massacres gratuits, inhumains et lâches. Déchaînement bestial de groupuscules organisés sur le mode sans foi ni loi. A force de chercher à comprendre, on en vient à une hypothèse pour le moins inattendue et qui serait elle-même absurde si elle ne permettait pas d’expliquer l’absurde.
Cette hypothèse se trouve au croisement de trois textes, dont deux éclairent le dépeçage de l’Afrique au Congrès de Berlin en 1885. Suite à ce congrès, le Parlement Français, en avril 1892, bouda les crédits pour l’expédition du Dahomey. Un député dénonça des « affaires de missionnaires et de commissionnaires », un autre se moqua de la « croisade avec garantie d’intérêts cotés en bourse ». Mais « le vrai but de l’affaire » l’emporta. Maurice A. Glèlè a noté les propos d’Albert de Mun, porte-parole des députés coloniaux :

« Quelque mauvaise que soit la position de ce couloir du Dahomey, entre
les Allemands du Togo et les Anglais de Lagos, il vaudra pour nous comme accès
au Niger et comme débouché sur le Bénin de tout le Soudan Central. »

Robert Cornevin revisita, en 1962, ‘‘ce couloir du Dahomey’’ :
« Peu de pays africains ont bénéficié d’un partage territorial aussi magnifiquement
absurde que le Togo allemand et le Dahomey français. Il n’est, en effet, pas une
collectivité africaine de la frontière séparant ces deux pays qui ne soit coupée en
deux par son tracé. »

Daté de la fin du 19ème siècle, avant donc Glèlè et Cornevin, ‘‘Le Mémento de Poche à l’usage des candidats au Certificats d’Etudes Primaires’’ enseignait aux écoliers que :
« L’Afrique compte environ 100 millions d’habitants (Africains, aines). La population
Comprend des Européens, des Kabyles, des Arabes, des Maures et des nègres. »

Il est clair que, sur le plan économique, le mauvais ‘‘couloir du Dahomey’’ était quantité négligeable. Mais la France avait obtenu son morceau de mer et son petit chemin vers l’eldorado des grands espaces. Seules importaient les richesses à exploiter et, en fait de ‘‘partage territorial’’, ce fut un vrai charcutage au gré des appétits des pays présents à Berlin. Les ‘‘nègres’’, seuls sans majuscule, jetés en bout de phrase, étaient aussi de peu d’importance. On les répartit sans logique, on mit ensemble des collectivités ennemies, on divisa des collectivités amies. En 1963, l’OUA choisit de valider ce désordre. C’est pourquoi à l’heure des prétendues indépendances, il fallut la dictature des partis uniques pour ‘‘tenir’’ tous les ‘‘magnifiquement absurde’’ sur lesquels le colonisateur avait régné par la force.
Pendant 60 ans, montée en flèche de la démographie. Baisse drastique de la quantité de mil et de sorgho par tête. Frustrations et inimitiés renforcées. Désespoir. Alors on tue pour compenser. Cqfd : l’itinéraire des malheurs sahéliens passe également par le magnifiquement absurde du Dahomey et du Togo. C’est pourquoi, convoqués ici ou là et mis en demeure de ‘‘raisonner’’ leurs peuples désabusés, certains dirigeants africains devraient se munir d’un mémento du Congrès de Berlin, pour l’offrir comme explication à leur hôte.

Roger Gbégnonvi

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