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Afrique et Prix Nobel de la Paix

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Le Prix Nobel de la Paix 2019 est le Premier Ministre éthiopien, Abiy Ahmed. En 2018, ce fut le médecin congolais Denis Mukwege. Le tout premier Africain nominé fut, en 1960, le sud-africain Albert John Luthuli, ancien président de l’ANC. De 1960 à 2019, l’Afrique, blanche et noire, aligne environ 15 Nobel de la Paix, en comptant chaque individu des duos Mandela-de Klerk en 1993, Sirleaf-Gbowee en 2011, et du quartet tunisien en 2015. L’Afrique ne peut que se féliciter de cette moisson qui fait d’elle un continent riche en paix.
Parce que riche en guerres. Si domestiques et rudimentaires soient-elles, comparées à 14-18, à 39-45, et à DAECH, etc. L’analyse de la liste des Prix Nobel de la Paix en Afrique révèle un certain penchant du Jury d’Oslo pour les héros qui ne bousculent pas trop l’ordre établi. En prenant position contre l’apartheid dans la paix du Christ, Mgr Desmond Tutu a été nominé en 1984 dans une Afrique du Sud déchirée. L’avocat Nelson Mandela, qui plaidait avec force pour la justice et pour l’égalité entre tous les Sud-Africains, connaîtra 27 ans de prison. Après quoi, assagi et gagné à la modération et au dialogue, il obtint le Prix, quitte à le partager avec l’ennemi. En Inde, le Jury hésita sur le nom du Mahatma Gandhi jusqu’à son assassinat. Cet apôtre de la non-violence bousculait trop l’ordre britannique établi.
L’ordre établi c’est aussi le partage mondial des tâches. Pour l’Afrique Noire, ce partage fut théorisé par La philosophie bantoue du prêtre belge Tempels, résumée et validée par Senghor décrétant que « L’émotion est nègre comme la raison est hellène. » Et voici l’homme noir regardé d’abord et surtout par la lucarne des errances ‘‘guerre et paix’’, sur fond de chants et danses, et de visages aux ‘‘sourires bon-enfant’’. C’est donc naturellement que le Jury d’Oslo destine à l’Afrique blanche, notamment à la partie blanche de l’Afrique du Sud, les Prix Nobel africains à caractère scientifique, sans connotation pacifico-folklorique.
Or, sans préjugé, le Jury d’Oslo aurait sans doute remarqué le Franco-Béninois Bertin Nahum. La France le célébrait encore en 2017 : « Pionnier de la robotique médicale, il a mis au point un robot chirurgical qui opère le cerveau avec une fiabilité et une précision sans égales. » Le jury aurait remarqué aussi le Guinéen Mountaga Keita. Après avoir travaillé longtemps dans la banque aux USA, il rentre à Conakry en 2013, crée en 2017 ‘‘Tulip-Industrie’’ pour « révolutionner le monde médical en Afrique mais aussi dans le monde ». A cet effet il a inventé la « borne médicale numérique capable d’examiner les patients ». Les données sont inscrites sur l’ordinateur. Tout est digitalisé. Une illustration de l’intelligence artificielle par un Guinéen dans sa Guinée à peine sortie de 50 ans d’une dictature broyeuse d’hommes et de talents. Le Jury aurait remarqué de même le Béninois Jérôme Fagla Mêdégan. L’aîné des ci-devant quadragénaires doit sa crinière blanche au fait qu’il vit plus souvent enfermé dans un laboratoire qu’à l’air libre. Pendant des décennies, il a interrogé la forêt et la science et a fini par extraire la molécule VK500 qui soulage les drépanocytaires béninois, africains, allemands turcophones, etc. Passionné par la recherche, la foi chevillée au microscope et aux éprouvettes, il jure qu’il enverra la drépanocytose au cimetière des maladies avant qu’on ne le porte lui au cimetière des humains. Dieu l’entende.
Bien que leurs inventions contribuent à la paix dans le monde, ces trois scientifiques mériteraient, chacun ou ensemble, un autre Prix que celui de la Paix. A condition que le Jury d’Oslo n’enferme pas l’Afrique Noire dans « les rires banania » que même Senghor voulait « déchirer sur tous les murs de France ». Déchirés ou pas, ils polluent notre inconscient. Puisse le Jury d’Oslo nettoyer les écuries d’Augias pour montrer à tous hommes que les portes de la science, de la technique et de la technologie ne sont fermées à aucun peuple.

Par Roger Gbégnonvi


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