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Chronique

Zinsou-Soglo-Talon

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Voilà trois noms, trois présidents, réceptacles et victimes, à leur corps défendant, de la méchanceté rance et rampante que cultivent les Béninois et qui ankylose tout le corps social en empêchant toute élévation du pays, prisonnier d’une lancinante force d’inertie.
Après avoir mis le Dahomey à terre, les militaires, de guerre lasse, en confièrent la direction à Zinsou : ‘‘Les périls sont grands qui menacent notre pays puisqu’il s’agit de son existence même en tant qu’Etat… Je déclare que la loi sera respectée, l’arbitraire banni, l’autorité affirmée… Si, comme je le souhaite et l’espère, le peuple souverain confirme le mandat qui m’est confié, c’est d’un pas résolu et d’une main ferme, qu’inlassablement, je travaillerai à l’union et à la prospérité des Dahoméens’’. C’était le 17 juillet 1968. Et c’était compter sans la méchanceté rance et rampante. Zinsou a dit autorité, résolution et fermeté. On prit peur, car l’on n’aime rien tant que le farniente. Et comme Zinsou ne haïssait pas Mobutu, on vit, au travers de ses mots, le léopard zaïrois dans la bergerie béninoise. On cria au loup, à la dictature. Tant et si bien que les militaires, qui lui avaient remis le pouvoir pour cinq ans, le lui arrachèrent au bout de 17 mois. Et le Dahomey retourna à son inertie.
Et puis il ne supporta plus d’être ‘‘Achille immobile à grands pas’’. Pour bouger, il demanda à Soglo de l’aider. Soglo appela en renfort son ami Aimé Césaire : ‘‘Donnez-moi la foi sauvage du sorcier / donnez à mes mains puissance de modeler / donnez à mon âme la trempe de l’épée / je ne me dérobe point. Faites de ma tête une tête de proue.’’ Ainsi pria Soglo à haute voix le 12 mars 1990 en acceptant la charge de Premier Ministre de la Transition. Et il ne se déroba point. Il travailla tant et si bien que le Bénin moribond retrouva des forces et que le peuple, en 1991, s’en remit à lui pour un premier quinquennat. Or était déjà à l’œuvre la méchanceté rance et rampante: ‘‘Il est clair que l’argent de l’Etat, la Radio et la Télévision de l’Etat, les sous-préfets, les voitures officielles, les véhicules des projets, il est clair que tout sera mobilisé pour n’importe quoi au service de ‘‘Vidolé’’ et de la famille présidentielle qui veut faire main basse sur le Bénin ! A cela nous disons : non !’’ Intox éructée le 5 juillet 1993 à Cotonou. On ignora les grands succès du quinquennat de Soglo ; on complota pour qu’il n’obtînt pas le second mandat. Et le Bénin retourna à son inertie.
Il étouffait et gémissait sur place quand Talon vint à son chevet le 6 avril 2016. ‘‘On m’a connu comme roi du coton. Aujourd’hui, je veux devenir celui qui a réussi à transformer son pays, politiquement, administrativement, économiquement.’’ déclare-t-il six semaines après son investiture. Or sa volonté de faire bouger son pays a contre elle les tenants – vétérans et néophytes – de la méchanceté rance et rampante. On les vit dans le mauvais cinéma de Djeffa et dans le film récent, ubuesque et tragique, de la tentative de coup d’Etat civil. Et les procès en ‘‘ruse et rage’’, en style à la Paul Kagamé, en copinage effréné, en captation des entreprises rentables de l’Etat, etc. Et mort à sa CRIET luttant contre la corruption, à son eau, à son électricité, à son asphaltage, à ses pavages ! Assez ! Que refleurissent ‘‘les affaires’’ ! Mais lui, attelé à vaincre la force d’inertie, semble regarder Moïse à la tête de son peuple : ‘‘Il tint ferme comme s’il voyait l’Invisible’’ (Hébr., 11/27).
Pour que le Bénin cesse de mourir, on aura ici désigné, à travers Zinsou-Soglo-Talon, le mal atavique qui creuse sa tombe. Des Béninois soi-disant patriotes osent faire reproche à Robert Dossou d’avoir, un jour de grande inspiration, baptisé béninoiserie notre méchanceté rance, rampante et ankylosante. Mais quel autre nom lui donner ? De toute façon, la pourriture qui apparaît sans cesse en surface est le signe de la pourriture en profondeur. Il faut le savoir, pour pouvoir entamer ce que Césaire appelle ‘‘une remontée jamais vue’’.

Roger Gbégnonvi


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