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Chronique

Autopsie du Parlement béninois

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L’opération, on le sait, consiste à disséquer le cadavre pour savoir pourquoi cadavre il y a afin d’éviter, si possible, qu’il n’y ait plus cadavre à l’avenir dans les mêmes conditions, à moins que ce ne soit pour aider les étudiants en médecine ou le tribunal face à un meurtre. L’autopsie de notre Parlement s’est invitée au débat le 16 mars 2019 quand un habitué de ce lieu a portraituré – propos de table – nos représentants qu’il connaît bien : ‘‘Ils sont terribles. Si tu ne leur remets pas tout de suite les 100 que tu leur as promis, ils accepteront 25 à côté et s’en contenteront. Ils ne connaissent que l’immédiat. Demain ne les intéresse pas’’.
Pour la clarté du propos, 100 ou 25, il s’agit d’argent. Dans son essai paru en 2004, ‘‘Le mal transhumant’’ (207 pages), François K. Awoudo atteste que le député béninois se vend au plus offrant : ‘‘Il était établi qu’on pouvait acheter des élus du peuple…et que le prix d’achat moyen est la dizaine de millions de francs CFA’’ (p. 116). D’ailleurs le préfacier du livre félicite l’auteur d’avoir révélé ‘‘l’univers de l’immoralité politique dans son pays le Bénin’’ (p. 7), car en soumettant notre Parlement à l’investigation journalistique, Awoudo s’est vu dans un supermarché où les marchandises à emporter sont d’authentiques bipèdes.

Députés béninois en plénière à l’hémicycle

Ejecté de la tête de son parti, le député X ‘‘doit clarifier et rendre compte de la gestion du patrimoine […] en vue de sa restitution au parti, son légitime propriétaire’’ (p. 27). C’était le 27 mars 1997. Les éjecteurs savaient leur cause perdue. L’argent du parti géré comme bien personnel par le président déchu devenait plus que jamais son argent à lui. Sans scrupule. Le 29 octobre 2000, une nouvelle éclate : ‘‘Les deux députés […] avaient été approchés par l’honorable Y qui leur avait proposé de démissionner de leurs groupes parlementaires contre remise immédiate d’une somme de dix millions de francs CFA, soit plus de 15.000 euros à chacun d’eux… Les deux députés appelés à transhumer acceptent le deal… Ils ont reçu chacun la somme convenue’’ (p. 113). Sans scrupule. Un an auparavant, en 1999, tous avaient communié aux ‘‘transactions et appâts dont a usé Z pour revenir au perchoir’’ (p. 114). Lors d’un meeting dans son village, le député X’ proclama, satisfait : ‘‘J’ai reçu dix millions pour voter contre la loi électorale’’ (p. 115). Dans un autre dossier, le député Y’ affirme : ‘‘On m’avait proposé 11 millions de francs CFA pour voter la loi sur l’avancement au mérite. J’ai refusé’’ (p. 115). Scrupule ? Pas du tout ! Mérite et vertu sont détestés par le Parlement béninois. Ladite loi fut donc naturellement rejetée. Grâce à quoi le fonctionnaire béninois continue d’être avancé tous les deux ans, qu’il ait travaillé ou pas et, s’il a travaillé, quelles que soient la quantité et la qualité du travail qu’il a fourni.
Aucun procès en diffamation ne fut intenté contre François K. Awoudo. En effet, son autopsie du Parlement béninois dit la pure vérité. Il reste toutefois à préciser que dans ce nécropole étrange grouillant d’ombres qui le menacent, l’Exécutif est obligé d’acheter moult zombis pour toute loi à voter, que certains de ces zombis sont assis sur des diplômes aussi fantasques qu’eux-mêmes, que nombre d’entre eux, dans la vraie vie, ne payent pas d’impôt à l’Etat sur leurs revenus plantureux et nébuleux, que presque tous font coïncider immunité et impunité, ce qui fonde, dans leur univers, tous les dépoitraillés criminels. Etc.
Après les deux premières législatures du Renouveau démocratique, composées de lettrés cultivant la vertu, le Parlement béninois a sombré dans l’affairisme des commerçants sans foi ni loi, cultivant un profond mépris pour le peuple et pour ses intérêts. Par notre vote intelligent et patriotique aux législatives de 2019, nous démolirons ce Parlement-cimetière, gros handicap pour la justice et pour l’équité au Bénin. Sortir du Bénin Etat de passe-droit, pour marcher vers le Bénin Etat de droit. Voilà l’enjeu des prochaines législatives au Bénin.

Roger Gbégnonvi


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