Coordonnateur National du Conseil de concertation pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement (Wsscc), Félix Adégnika est un membre actif du Cadre de concertation des acteurs non étatiques et l’eau et de l’assainissement (CANEA) au Bénin. Présent à toutes les éditions de la conférence panafricaine sur l’assainissement, il revient dans cet entretien sur l’importance pour les Etats de s’engager dans la bonne Gestion des boues de vidange (Gbv) et nous confie les prochaines actions qu’entrevoit la société civile active dans le secteur au Bénin pour susciter un engagement des décideurs.
Vous avez participé à toutes les éditions de la conférence Africasan et cette fois-ci, on a choisi de mettre au centre des discussions, la question de la Gestion des boues de vidange. Vous trouvez que c’est vraiment important ?
C’est vrai, j’ai participé à toutes les éditions de Africasan. C’est un privilège mais je viens à la recherche de l’information. La question de la Gestion des boues de vidange est une problématique urbaine. Parce que, d’ici 2050, plus de la moitié des populations des pays vivront dans les villes. C’est à la fois un problème et une opportunité. Dans une approche intégrée qui concerne le transport, le traitement et la valorisation, il faudra avoir les infrastructures et les équipements pour faire face à cette problématique. C’est une opportunité parce que cela peut profiter à l’agriculture urbaine. Notre système, celui du Bénin où il n’y a pas un réseau d’égout, c’est l’assainissement autonome. Il y a des défis à tous les niveaux qu’il faut relever très rapidement.
A l’ouverture de cette grande conférence, le ministre sud-africain, Gugile Ernest Nkwinti, a demandé aux Etats de changer de priorités et d’élever au rang des priorités, la question de l’Hygiène et de l’Assainissement de base. Est-ce que dans votre pays, l’hygiène et l’assainissement ne constitue pas encore une priorité ?
Le ministre sud-africain a dit effectivement qu’il faut changer de priorités et moi j’ajouterai qu’il faut changer de paradigme par rapport à l’HAB. Aujourd’hui, l’HAB n’est pas une priorité au Bénin. Le sous-secteur est totalement en bas de l’échelle des priorités. Parce que si c’est une priorité, cela devrait figurer clairement dans l’agenda de développement et les ressources qu’il faut mobiliser, devraient être disponibles. Mais, ce n’est pas encore le cas. En plus, ce sous-secteur ne bénéficie pas d’un bon positionnement institutionnel.
Mais qu’est-ce qui explique ce manque de priorisation et d’attention de la part des décideurs pour ce sous-secteur pourtant important pour la santé, l’éducation et la vite tout court?
C’est par manque d’informations et de connaissances. Je suis convaincu que les décideurs ne sont pas engagés parce que ‘ils n’ont pas pris la mesure de l’importance de ce sous-secteur. Et nous nous engageons à apporter la bonne information pour arriver au changement de paradigme.
Vous êtes un acteur de la société civile très actif au sein du Cadre de Concertation des acteurs Non Etatiques de l’eau et de l’assainissement, que faites-vous au sein de cette coalition pour relever le défi de la faible priorisation du sous-secteur au niveau du Bénin ?
Nous devons informer et amener les autorités à comprendre que nous devons agir maintenant. Nous avons deux outils, le plaidoyer et le lobbying. Mais, il semble que la société civile se trompe de cibles parce que, nous nous adressons directement aux décideurs. Il semble que la première cible doit être les fonctionnaires qui sont chargés de présenter la situation aux autorités. Parce que je ne suis pas sûr que les autorités sont conscientes de la situation et de la problématique. C’est un impératif de travailler sur plusieurs fronts. Il faut comme cibles, en dehors des fonctionnaires du sous-secteur, des politiques et stratégies, les cabinets ministériels, les décideurs que sont les maires et autorités centrales. Et par rapport à cela, il nous faut beaucoup communiquer. Nous devons avoir un partenariat fort avec les médias pour provoquer un engagement de tous et permettre d’atteindre les objectifs.
Au niveau de l’Afrique, on retient que les engagements de Ngor n’ont pas été tenus par la plupart des pays. Comment faire pour que le Bénin relève le défi d’ici le prochain sommet?
Avec le temps que nous passons ici avec le Directeur national de la santé publique présent à cette conférence, nous n’avons pas une garantie ferme mais lui-même a vu ce que les autres pays font. Il a compris qu’il est possible de faire des petits pas et il a pris l’engagement de nous accompagner. Dès que nous allons rentrer, nous allons organiser un point de presse pour informer sur la situation en Afrique et dans notre pays. Et nous allons travailler pour que notre pays tienne les engagements qu’il a pris au niveau international.
Quel sera votre message concrètement au retour de ce sommet à Cotonou ?
Nous avons plusieurs cibles : les décideurs, les cadres et les communautés. Notre message pour les autorités locales, c’est de leur dire qu’elles ne perdent rien à s’engager dans l’hygiène et l’assainissement de base et à accompagner les efforts des ONG et de l’Etat central. Ensuite, nous devons communiquer sur les engagements pour ne pas attendre la veille des sommets et conférences pour courir et faire l’évaluation. Nous devons faire un suivi. Pour les autorités locales, c’est de faire en sorte que dans leurs budgets, qu’elles prévoient une ligne budgétaire pour le sous-secteur. Il y a eu déjà un déclenchement au niveau des préfets qui se sont engagés à désormais regarder ce qui est prévu pour le sous-secteur dans les budgets des communes. Enfin, il y a les Directeurs de la programmation et de la prospective (DPP) des ministères au cœur des prévisions et programmations. Il faut les amener également à s’ouvrir au sous-secteur au niveau des allocations dans les ministères.
Propos recueillis par Alain TOSSOUNON depuis Cape Town