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Enfants nombreux et sombre avenir du Bénin

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Au temps où les enfants mouraient davantage qu’ils ne vivaient, nos ancêtres avaient édicté la maxime selon laquelle ‘‘les enfants, c’est tout bénéfice’’, ce qui impliquait qu’il fallait en faire beaucoup pour avoir la chance d’en garder quelques-uns qui, dès qu’ils en auront la force, vous aideront à cultiver, à chasser, à pêcher, etc. C’était vraiment bénéfique. D’autant qu’il n’y avait pas de charges, pas d’école où inscrire les enfants en payant si peu soit-il, pas de soins de santé extraordinaires puisque la mort avait rapatrié les plus fragiles pour ne laisser que les plus résistants sur le plancher des vaches. Pour ce que les survivants devaient manger, on s’en remettait à la Providence et à la nature environnante, car il était aussi entendu que ‘‘il est des verres qui trouvent leur pitance accrochée aux feuilles des arbres’’. Version béninoise de l’évangéliste Luc : ‘‘Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit’’ (12/24). Et il est vrai que la Palestine du 1er siècle devait entretenir de fortes ressemblances socio-économiques avec le Dahomey-Bénin des 18ème et 19ème siècles. Notre maxime était donc vraie.

Mais s’est nettement amélioré le socle socio-économique sur lequel a germé la maxime ‘‘les enfants, c’est tout bénéfice’’. Les enfants ne meurent plus à grand renfort de maladies connues et inconnues. Malgré cela, on continue au Bénin de procréer les yeux fermés. Dans les milieux populaires, majoritaires et démunies, la femme peut aligner une demi-douzaine d’enfants. Géniteur itinérant et irresponsable, l’homme peut totaliser de dix à quinze enfants disséminés entre plusieurs femmes avec qui il ne vit pas en couple, même pas polygamique. Or désormais, les enfants vivent. Une vie délabrée, certes, mais ils vivent.
Cette victoire sur la mort explique la scène observée de votre lucarne en ce début des grandes vacances scolaires, commencées un peu tôt pour certains écoliers dont les salles de classe doivent être libérées pour les examens d’Etat. A 6h, Maman est partie avec le pain de blé ou la bouillie de maïs à vendre à la criée pour arriver à faire vivoter son monde d’enfants. A 7h, ses garçons sont dehors, dans la ruelle en face de leur masure et, aux premiers coups de pied dans un ballon dégonflé, d’autres garçons surgissent des masures alentour et, à quinze ou vingt, en hurlant sans discontinuer, ils installent le match dans la ruelle jusqu’á la nuit tombée ou jusqu’à ce que, en cette saison pluvieuse, un violent orage s’abatte sur eux et les repousse dans l’enclos qu’ils ont fui. Ils sont dehors pour fuir l’inconfort de la débrouille en branchages ou en terre dont les seuls meubles sont les nattes à même le sol fendillé, gercé de trous et de bosses. Ils fuient. Le seul tabouret sur lequel maman s’assoit pour touiller la pâte ou la bouillie a été emporté par les filles qui l’accompagnent et l’aident, vaille que vaille, dans le métier de la criée quotidienne. Au hasard des rues et des absences de mère-crieuse, l’une ou l’autre, violées et engrossées par des pédophiles incontinents, se verront jetées, à 13-14 ans, dans l’engrenage de la procréation forcenée, commandée par la maxime ancestrale, aujourd’hui obsolète, selon laquelle ‘‘les enfants, c’est tout bénéfice’’.
Voilà ce qu’on appelle l’avenir du Bénin. Sans jamais préciser qu’il est sombre et sans issue. A moins que… Dans la très mince couche instruite de la population, les couples constitués – avec tous les aléas du vivre-ensemble – s’arrêtent à trois ou quatre enfants. Une sorte de preuve que l’instruction pourrait constituer un excellent antidote contre la maxime aujourd’hui suicidaire. Mais – hiatus gravissime – plus la population croît et plus toute instruction digne de ce nom se fait rare. Alors, le Bénin va-t-il décidément dans le mur ?
Question posée pour qu’il ne soit pas dit qu’au regard de ce qu’induit ‘‘les enfants, c’est tout bénéfice’’, nul ne s’est posé la question de savoir si le Bénin recule ou avance.

Roger Gbégnonvi


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