lamétéo.info
Chronique

Béninois:‘‘Il y a de l’argent dans ton pays.’’

Partager

Deux informations cataclysmiques nous sont tombées récemment dessus sans causer le moindre dégât. Ailleurs, dans les pays industriels où l’argent coule à flots, les citoyens en auraient été choqués au point de provoquer deux séismes politiques. Voir en France, notre pays de référence, le Pénélope-gate. Quel tintouin ! Grâce à Dieu, nous, Béninois, avons le cœur bien accroché. Rien ne nous ébranle. Les pires scandales nous laissent de marbre.

De source absolument digne de foi, nous avons appris que ‘‘Nous avons tous reçu de l’argent. Je l’ai reçu aussi. Mais je ne voterai pas la révision de la constitution en l’état.’’ ‘‘Nous tous’’, ce sont nos 83 députés. Il se murmurait que, depuis la 3ème législature, en comptant à partir du HCR, nos députés se faisaient graisser intensément la patte pour voter le moindre texte de loi proposé par le gouvernement ou pour ratifier le budget de fonctionnement de l’Etat. Avec l’aveu public et rance de leur Doyenne, le doute n’est plus permis : nos députés sont accrocs au rançonnement de grand style, avec la circonstance maligne de refuser ensuite de faire le travail pour lequel un salaire illégal leur a été alloué sous la table. C’est déjà l’habitude de nos tacherons qui, après avoir perçu l’avance exigée, nous abandonnent sur le plancher des vaches avec notre mur lézardé ou notre jardin empli de chiendents. Mais nos honorables députés ne sont pas nos ignobles tacherons, et nous ne les avons pas dénoncés à la police comme nous le faisons à l’encontre de nos Ignobles, parce que nous rêvons tous du statut juteux de nos Honorables : gros salaire mensuel par-dessus la table et, par-dessous, gros bakchichs réguliers. Daigne Dieu nous l’accorder un jour.
La deuxième information, cataclysmique en pays civilisé, renvoie à 250 milliards de nos francs CFA. C’est le montant exact des dommages et intérêts réclamés à l’Etat par l’un de nos plus riches commerçants. Soupçonné de traîner avec soi des calumets cher vendus, que haïssent Américains et Chinois et dont le Bénin se veut une plaque tournante, le richissime commerçant a été relaxé et laissé en liberté au bénéfice du doute. Mais il crie à la diffamation et estime à la somme dite le prix à payer par l’Etat pour le nettoyage de son honneur tombé dans le ruisseau. Il a raison, car il est déjà très riche, et il ne lui faut pas moins que ça. D’ailleurs, quand il a voulu devenir Président de la République, il nous a bien traités : il a déversé sur nous des camions de T-shirts, nous a bourrés de sandwiches et gavés de coca-cola. C’était vraiment sympa. Et s’il veut remettre ça en 2021, il faut qu’il commence à engranger dès à présent en rançonnant l’Etat, puisqu’autre source de revenu serait devenue aléatoire. Il a donc raison, et nous l’aimons bien parce que nous rêvons tous d’avoir le 1000ème de 250 milliards de nos francs CFA. Daigne Dieu nous l’accorder un jour.
La confirmation bouleversante de la Doyenne du Parlement et l’exigence renversante de l’ex candidat à devenir Président apportent la preuve de la totale vérité du 3ème alinéa du liminaire du Discours-Programme du 30 novembre 1972 : ‘‘Il y a de l’argent dans ton pays. Je ne te demande pas de me le donner pour des fins personnelles.’’ Et il est vrai que, s’agissant des fins altruistes, notre classe politique est fantastique. Quand elle a balayé du regard les caisses de l’Etat, elle enjolive nos week-ends funéraires, en ce qu’elle se transforme en Mère Teresa pour accompagner dignement à leur dernière demeure nos concitoyens défuntés à force d’envie en regardant s’empiffrer les nantis. Pour l’instant, les cortèges sont d’une certaine modestie, mais notre avenir macabre s’annonce radieux, car les mânes de nos ancêtres mettront notre classe politique en mesure de nous drainer en corbillards-Rolls-Royce vers des cimetières six-étoiles ruisselants de luxe. Simple anticipation de l’éternelle félicité de nous, macchabées. Requiem aeternam. Daigne Dieu nous l’accorder un jour.

Roger Gbégnonvi


Partager

Articles similaires

Il faut réinventer la Négritude

Venance TONONGBE

Bénin: Quand le Ministre fait bon accueil au citoyen…

Venance TONONGBE

Réseaux sociaux et manipulation du citoyen [Chronique Roger Gbégnonvi]

Venance TONONGBE

Laissez un commentaire

You cannot copy content of this page