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Chronique

Nous pouvons créer des biens culturels nouveaux

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Si la France accédait à la demande du Bénin de rapatrier à Cotonou les biens culturels dahoméens qu’elle a emportés voici des siècles, cette rétrocession créerait un précédent saisi par d’autres pays pour exiger restitution de leur patrimoine également arraché par la raison du plus fort. Les Musées du Louvre, de l’Homme, du Quai-Branly, s’en trouveraient amaigris, et l’Obélisque de la Concorde devra peut-être retourner en Egypte au temple de Louxor, dont on espère qu’il existe encore. On voit mal la France ouvrir la boîte de Pandore.

Si par improbable extraordinaire, elle l’ouvrait, que ferait l’Etat béninois des biens culturels restitués ? Il les exposerait dans des musées mal conçus et mal entretenus, d’où ces biens retourneraient en Europe et aux Etats-Unis, après avoir été volés-vendus et remplacés par des faux grâce à la maestria d’une chaîne d’entremetteurs à l’organisation éprouvée. On les connaît, les exemples abondent de leur savoir-faire. Des Africains patriotes ont dû mettre la main à la poche pour éviter à tels biens culturels de grande valeur de traverser la mer pour des collections privées sur lesquelles les Etats n’ont aucun droit de regard. Pour stimuler le patriotisme d’un futur receleur malgré lui, on lui dit un jour, en lui montrant dans le sac le précieux bien culturel : ‘‘Achète-le pour qu’il soit gardé ici, sinon tes enfants devront voyager très loin pour aller le voir, si on leur permet. Or c’est à nous, et il ne peut plus retourner dans le musée d’où on l’a sorti pour me le confier. Je n’arrive pas à le vendre à un Blanc.’’
Le je-m’en-foutisme avec lequel nous traitons nos biens dits culturels ressortit à une explication sémantico-ontologique dont notre gouvernement doit tenir le plus grand compte afin de ne pas s’éreinter dans une course à reculons pour finalement s’effondrer dans une impasse. En effet, là où les Occidentaux et deux ou trois Africains voient des biens culturels, l’ensemble des Béninois voient des biens CULTUELS, réceptacles et habitacles des esprits et des mânes des ancêtres. En formats réduits sous les lits et les oreillers, dans les poches, les sacs à main et les placards, ensevelis dans les cours et les champs, etc., ils nous protègent du malheur et de l’ennemi. Si le ‘‘Blanc’’ veut voir de l’art dans leurs formats agrandis et les contempler comme tel, eh bien, qu’il paye et les emporte. Restent toujours disponibles les petits formats que nos chamans ont investis du pouvoir de nous protéger.
Telle est la vérité. Chez le Béninois, la culture a l’utilitarisme pour socle. Sa musique est danse. Sa statuaire est vaudou. En matière d’image, il n’a de culture que celle de l’art magique. Peut-il aller au-delà ? Oui, mais à condition qu’on décide d’enrichir son rapport à l’art. Un des fils de feu Guêdêhunguê s’avère un sculpteur de rêve. Analphabète, il n’a jamais fait la moindre école. Conquis par son talent, des Italiens ont tenté de l’emmener chez eux pour lui offrir…quoi ? Informé, feu Mgr Sastre s’y opposa non sans s’interroger : ‘‘Pourquoi nos élites iraient-elles toujours loin de nous ?’’ Au génie du pays Sáxwè, le diocèse de Lokossa fait créer des Vierge Marie splendides et des Christ sublimes, c’est-à-dire des biens cultuels. Mais pour nos musées de demain et d’aujourd’hui, les ‘‘décideurs’’ peuvent lui faire créer aussi, tirés du bois de chez nous, des biens culturels pas immédiatement utiles, tels que Nelson Mandela, Thomas Sankara, Barack Obama, en pied, Che Guevara en buste, etc. La Fondation Zinsou organise au Bénin des résidences de création á l’intention de peintres et de sculpteurs d’origines diverses. Le fils Guêdêhunguê, un résident idéal ? Si ce n’est déjà fait. Il est en tout cas le signe que nous pouvons créer des biens culturels nouveaux et amener le Béninois au culte du beau pour lui-même. De toute façon, il serait plus motivant pour tous que notre gouvernement cesse de courir derrière notre passé perdu. Il doit à présent arpenter les ‘‘avenues de l’avenir’’. Ensemble avec lui, nous voulons aller de l’avant.

Par Roger Gbégnonvi


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