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Pourquoi les Béninois préfèrent les incantations á l’ambition

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Le mot de casse court sur toutes les lèvres actuellement. A cause du spectaculaire et de l’effrayant du bulldozer ? Mais celui-ci n’est-il pas un instrument pour une fin souhaitée, souhaitable ? La mère de famille qui, un jour, du matin au soir, vide les armoires, secoue les valises, jette au feu des choses qui traînaient là et qui n’avaient plus ou pas à être là, cette mère enveloppée de poussière à force de nettoyer, cette mère perlée de sueur, confie à la cantonade à qui veut l’entendre : ‘‘Ma maison était devenue un vrai bazar. J’ai décidé d’y mettre de l’ordre’’. Tout le monde, qui l’observe et l’entend, l’admire et promet d’en faire autant chez soi. Nos cités sont nos maisons en plus de contenir nos demeures. Pourquoi donc, au lieu d’opération ville propre, parlons-nous de casses avec une colère rentrée ?

Et le chœur des pleureuses, promptes à s’apitoyer, d’y aller d’appels pressants á la justice. Pour ces bonnes âmes, l’Etat doit illico recaser vendeurs et vendeuses qu’il a délogés des lieux publics illégalement occupés par eux. Mais à ce compte, les policiers, invités depuis quelque temps à s’en tenir à la déontologie de leur métier, devraient attendre de l’Etat de nouvelles propositions pour continuer d’arnaquer taximen et camionneurs. A ce compte, l’Etat, tout en essayant de mettre à la raison les amasseurs de primes indues, devrait leur proposer d’autres moyens de compléter indûment leurs ‘‘maigres salaires’’.
Car au Bénin, il n’est pas un seul travailleur qui ait un bon salaire : ‘‘Bof, on est là, toujours avec ce salaire qui ne suffit à rien !’’. Car au Bénin, il n’est pas un seul commerçant pour avouer qu’il fait de bonnes affaires : ‘‘Bof, on est là, avec la même mévente. Il va être midi, et pas un client n’est encore venu vers moi !’’. Au contraire du Yankee faisant étalage de ses dollars pour qu’on l’envie, le Béninois cache ses CFA pour qu’on ne l’envie pas. Prenant à revers le bon sens des nations, le Béninois se satisfait qu’on le juge malheureux.
Et si nous parlons de casses et non de nettoyage, c’est pour qu’on nous prenne en pitié. Il est d’ailleurs une étrange idée en passe de devenir proverbe, c’est-à-dire sagesse des nations : ‘‘Le Béninois aime les victimes’’. En vertu de quoi le Béninois se victimise sans arrêt. Le voici victime des casses pour que l’Etat ait pitié de lui et le laisse continuer á vivoter sur les bouts de trottoir. Le voici victime de son choix de vivre au-dessus de ses moyens pour que l’Etat ait pitié de lui et le laisse tricher sur les primes afin d’améliorer ses fins de mois.
Et tout le Bénin geint en n’entreprenant rien. Pourquoi mangeons-nous tant de pain de blé, au milieu de nos céréales et féculents dont nous pourrions faire du pain pour enrichir nos paysans et non ceux d’ailleurs ? Nos agronomes et nutritionnistes, férus de science, ont la réponse : ‘‘Le blé contient du gluten, absent de nos céréales et féculents’’. Et la recherche, bon sang ! Bof ! Assis dans les ministères, ils attendent sous climatiseur le ‘‘maigre salaire’’, guettent les grosses primes compensatrices en se laissant bercer autant que berner, eux aussi, par la douce mélodie des incantations : Rupture, Nouveau Départ, Bénin Révélé ! Déjà trois incantations politiques en moins d’un an ! Quant aux incantations religieuses, il y en a à foison, à profusion. En lieu et place d’ambition, les Béninois ont mille incantations.
Et si les Béninois préfèrent les incantations à l’ambition, c’est parce qu’ils se refusent à être ‘‘en marche’’. Ils adorent magouiller dans les ministères et les administrations, prier, chanter et danser dans les chapelles et les couvents, le tout ‘‘en attendant Godot’’. Mais Godot ne viendra pas. Le savent-ils ? Sinon, on doit les en informer. Et les informer aussi qu’une seule ambition, dont on poursuit la réalisation dans la difficulté, vous rend plus digne de l’humanité que mille incantations qui vous bercent autant qu’elles vous bernent. Que soit donc le temps de l’ambition et de l’audace. Le temps de la création. Maintenant.

Par Roger Gbegnonvi


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