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Chronique Roger Gbégnonvi | Pour un Bénin au destin national

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Pour se révéler nation, des peuples dispersés, voire adversaires, se reconnaissent un destin commun. Pour l’accomplir en étant ensemble et forts, ils se donnent la main « contre le Sort, contre l’Histoire, contre la Nature », écrit Aimé Césaire, majuscules de rigueur. En chemin pour la nation, les Béninois ont bien pris conscience des étapes à parcourir.
Il y a 45 ans, c’était en 1975, nous avons fait un grand pas vers notre unité en cessant de nous appeler Dahoméens pour devenir Béninois. Quinze ans après le 1er août 1960, il fut temps pour nous de corriger une incohérence de notre histoire. Ainsi que l’écrivait Robert Cornevin en 1962, le Dahomey constituait « le seul exemple où le nom d’un royaume vaincu ait déterminé l’appellation d’une entité territoriale cinq fois plus grande ». Ce qu’un député français appela « Ce couloir du Dahomey…, comme accès au Niger et comme débouché sur le Bénin de tout le Soudan Central » fut dessiné au Congrès de Berlin en 1885. On y jeta, sans demander leur avis, les peuples du Centre et du Sud, en proie aux guerres d’Abomey, et ceux du Nord sans grand contact avec les ci-dessus. De cet imbroglio, l’Histoire nous fait devoir de « réussir quelque chose d’impossible ! » (A. Césaire) Nous nous y attelons. Et ce fut une décision intelligente et civique que celle de nous rassembler sous un nom, propriété de tous.
Mais, voulant peut-être ménager Abomey, nous avons quitté une incohérence pour une autre en décrétant Béhanzin héros national, grand-maître de l’ « entité territoriale cinq fois plus grande » que la sienne. Absurde. Car les peuples qui ne s’acceptaient pas Dahoméens ne peuvent pas accepter comme héros de la nation béninoise quelqu’un qui, dans le sillage de ses prédécesseurs, a accompli la mission de protéger la terre héritée de ses ancêtres et de l’élargir par des guerres à ses voisins proches et lointains. Fidèle à sa mission sacrée, il ne lésinait pas sur les moyens. En 1892, alors que l’esclavage était aboli, il s’y adonna encore clandestinement afin d’acquérir les armes qu’il lui fallait pour bouter dehors ceux qui avaient entrepris de lui voler son héritage. Ne pouvant plus aller chercher le gibier-esclave chez les voisins lointains, « Béhanzin s’attaquait tout simplement aux paisibles populations d’Abomey et de ses alentours sans considération de rang social ou royal. Le bas-peuple était le plus éprouvé », écrit Justin Fakambi en 1992. Aucun roi d’Abomey n’avait en héritage des hommes et des femmes á défendre mais la terre à étendre en sacrifiant, s’il le fallait, des proches parents. Il n’est donc pas surprenant que Béhanzin ait aujourd’hui encore à Abomey des ennemis déterminés. Oser imaginer ce guerrier local en héros national ?
« Dieu, considérez que nous ne nous entendons pas nous-mêmes et que nous ne savons pas ce que nous voulons et que nous nous éloignons infiniment de ce que nous désirons ». La réflexion de sainte Thérèse d’Avila au 16ème siècle sonne étrangement vraie dans notre contexte béninois de fin XXème siècle. Mais peut-être nous parlera davantage le geste surprenant de Willy Brandt. Visitant en décembre 1970 l’ancien ghetto de Varsovie, le Chancelier allemand s’agenouille pour rendre hommage aux victimes du nazisme. Demander pardon. Aucun protocole d’Etat ne prévoit une telle attitude d’humilité profonde. Geste chrétien ? Mais Willy Brandt n’était pas un dévot. Peu importe. Il voulait réussir quelque chose de nouveau et de beau, de grand et de noble, « réussir quelque chose d’impossible ».
Nos ethno-cultures pratiquent plutôt menace et vindicte que miséricorde et pardon. Mais elles ne nous interdisent pas de prendre ailleurs la force vertueuse pour nous élever. Nous écouterons donc Thérèse d’Avila. Nous regarderons Willy Brandt. Nous laisserons tomber les tables de la loi obsolète et passéiste. Nous passerons au travers des coutumes et traditions sclérosées. Ainsi libérés, nous marcherons pour un Bénin au destin national.

Roger GBÉGNONVI

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