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Hôpital de zone Abomey-Calavi/Sô-Ava : L’eau chaude au cœur du commerce illicite

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De l’eau chaude, les  femmes en utilisent abondamment, après accouchement pour leur bain et celui du nouveau-né. Généralement sans débourser le rond. Mais l’utilisation de cette eau chaude fait de plus en plus  l’objet de business juteux dans certains centres de santé, au grand dam des autorités. Enquête !

La préparation de l’eau chaude

Dans l’enceinte de l’hôpital de zone de Calavi-Sô-Ava, situé à une vingtaine de kilomètres au Nord de Cotonou, le coin réservé pour “ la cuisine” grouille d’enfants somnolents et de femmes. Il est 06 heures ce 18 juin 2019. Une quinzaine de femmes, seaux ou récipients en mains s’impatientent derrière une grosse marmite remplie d’eau sur un feu ardent. Un homme, la quarantaine se saisit d’une boîte de tomate vide. Il la plonge dans la marmite d’eau chaude et sert les dames, visiblement selon l’ordre d’arrivée. L’eau chaude, aussitôt servie, quelqu’un se charge de récupérer l’argent chez les femmes. La boîte de tomate remplie est cédée à 50Fcfa. Et ce n’est pas tout. Juste à côté, sur une table servant de guichet, un thermostat est branché au courant électrique. À l’intérieur, un mélange d’eau chaude et des feuilles de citronnelle. La tasse coûte 50f aussi. Les deux hommes à la manœuvre sont des employés. De nuit comme de jour et 7 jours sur 7 les usagers de cet hôpital public animent ce marché illicite d’eau chaude. « Des années que cela dure », soupire un patient de passage à l’hôpital. « Comment peut-on faire payer une boîte de tomate d’à peine deux litres d’eau à 50 frs dans un hôpital public ? C’est trop cher ! », s’écrie une mère, outrée. Et pourtant, ce soir-là, elle a pris deux boîtes. « Imaginons parmi celles qui accouchent, les femmes qui viennent s’approvisionner ici et le nombre de jours qu’elles passent à l’hôpital avant d’être libérées », S’interroge Sènan . C’est une dame qui a accompagné la femme de son frère dont la grossesse est arrivée à terme. Depuis une semaine, elle débourse en moyenne 300 frs par jour pour la toilette de sa belle sœur en attendant d’être libérée car le nouveau-né est encore en soin pédiatrique. « Nous ne pouvons pas non plus nous en passer. Dans notre culture, lorsqu’une femme accouche, elle doit obligatoirement faire sa toilette avec de l’eau chaude surtout au niveau de sa partie génitale », explique-t-elle.

Dans ce seau en main, 150 frs d’eau chaude

Bien de l’Etat, gains privés

Au bout de la filière, un chef. Au départ, la gestion des toilettes et latrines mises à disposition des usagers est confiée à un homme. Dans le contrat, il est prévu que le gestionnaire verse chaque mois, quinze mil francs (15 000frs) à la coopérative de l’hôpital. Selon les précisions de Houssénath Kora Gounou, responsable en charge de l’hygiène et assainissement de l’hôpital, rencontrée le 17 juin 2019, ledit contrat est d’une durée d’un an renouvelable. En contrepartie, le gestionnaire fait payer aux usagers le service. Mais à l’arrivée, en dehors de l’activité de gestion et d’entretien des toilettes, la vente de l’eau chaude s’y est greffée procurant des bénéfices juteux. Pas de chiffres certes. Mais d’après les statistiques fournies par la Division gestion des malades et statistiques (DGMS), ce centre hospitalier a enregistré 2038 accouchements de janvier 2019 à mai 2019. Pas étonnant que des suspicions naissent entre employés et patron autour des recettes journalières. « Nous ne nous entendons pas toujours sur ce que génère la vente de l’eau. Parfois entre employés, on s’accuse d’avoir détourné une partie des recettes. Des fois, c’est notre patron qui n’est pas d’accord avec le point. Pour régler cela, nous avons décidé de verser un montant fixe chaque semaine au patron et nous gérons le reste », confie sous anonymat, l’un des employés. Toutes les tentatives pour avoir le patron se sont révélées vaines.

Vue de latrines prévues pour être entretenues selon les clauses du contrat

Du côté de l’administration de l’hôpital, Raymond Kintomonho, Directeur général de la structure reconnait qu’il est informé de cette vente de l’eau chaude. Toutefois, il ne sait pas combien les usagers paient. « Le besoin est là. Les gens en profitent. Ils font leur business mais je ne sais pas combien ils prennent chez les femmes car ce n’est pas une activité de l’hôpital, » soutient le premier responsable du centre. À la question de savoir où va l’argent de la vente, puisque l’eau utilisée est fournie par l’hôpital, le directeur pointe du doigt la coopérative du personnel dont il est aussi membre.  Allusion faite aux 15 000frs versés par mois, issus de la gestion des toilettes et latrines conformément aux clauses du contrat. « Les recettes qu’elle (la coopérative) collecte, c’est pour assister le personnel lorsqu’il est éploré. Quand moi j’étais venu ici, par exemple, lorsqu’on doit louer un bus pour assister un personnel qui est éploré, il fallait puiser dans la caisse de l’hôpital. Ce n’est pas bien. Donc depuis, on a mis en place cette coopérative pour toutes ces dépenses. Le reliquat est affecté à la fin d’année à autre chose. Par exemple on a décidé l’année dernière de prendre des sacs de riz au personnel », justifie le directeur général.

Robinet de la Soneb d’où provient l’eau vendue

Problème ! Aucun franc des recettes issues de la vente de l’eau chaude n’est versé dans la caisse de l’hôpital. Et pourtant, seule, cette structure fait face à la facture d’eau au niveau de la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb). Toutes les démarches pour avoir une idée du montant que paie l’hôpital de zone d’Abomey-Calavi comme facture sont restées infructueuses. Le Directeur de l’hôpital s’avoue, visiblement impuissant : «…Forcément, ça doit pouvoir peser parce que c’est l’eau potable de l’hôpital qui est utilisée pour le commerce en cause. Les agents qui le font prétextent peut être de ce qu’ils versent à la coopérative par rapport à la gestion des toilettes. »

Encadré

« On ne peut pas utiliser l’infrastructure publique pour des fins personnelles »

Joint au téléphone pour donner son avis sur la gestion de la vente de l’eau chaude, Germain Houenon, syndicaliste, agent de santé en service dans l’hôpital décline l’offre. Il recommande toutefois Maxime Armand Daga, secrétaire général du Syndicat national des techniciens infirmiers et sages-femmes, anesthésistes réanimateurs du Bénin. Ce dernier fait d’abord une mise au point : « Je ne suis pas syndicaliste du Centre hospitalier de zone d’Abomey-Calavi/Sô-Ava. Je suis syndicaliste au niveau national. Cet hôpital n’a pas de syndicat maison.» Concernant le sujet de la vente de l’eau chaude, le syndicaliste se dit surpris par l’information. « C’est vous qui me donnez l’information. Je ne savais pas qu’il y a avait un système de fourniture d’eau chaude dans la maison jusqu’à en faire une commercialisation », s’étonne Maxime Daga. Néanmoins, il reconnaît que les femmes utilisent de l’eau chaude pour faire leur toilette après l’accouchement dans ce centre hospitalier. Et il précise qu’habituellement, ce sont les patients eux-mêmes qui viennent soit avec l’eau chaude depuis la maison. Ils viennent parfois avec des ustensiles de cuisine pour chauffer sur place l’eau. « On ne peut pas utiliser l’infrastructure publique pour des fins personnelles. Si quelqu’un veut vendre de l’eau, qu’il aille prendre son compteur d’eau pour faire face à ses charges », estime le syndicaliste.

Venance Tonongbé


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