lamétéo.info
Chronique

Dans dix ans le Bénin

Partager

La perplexité prévaut si l’on observe le Bénin de demain à partir de son passé et de son présent. Dans ‘‘le couloir’’ conçu par le colonisateur en 1894 et délaissé en 1960, trois hommes, appelés avec emphase ‘‘leaders historiques’’, se disputaient le pouvoir politique comme larrons en foire. A deux ils faisaient tomber le troisième, lequel s’alliait à l’un de ses tombeurs et devenait tombeur à son tour. A cette tragicomédie la soldatesque ajoutait le cirque des putschs. Ballotté, affamé et ridiculisé, le pays exsangue avait été baptisé ‘‘enfant malade de l’Afrique’’. Feignant de guérir le mal, les fauteurs du putsch du 26 octobre 1972 avaient terminé la lecture hachée de leur proclamation par ‘‘Vive la Révolution !’’
Naïf, le peule crut. On le braqua. On lui fit avaler des tas de couleuvres. On fit monter en flèche le gangstérisme d’Etat. Singeant le bolchevisme soviétique, la frange lettrée, archi-minoritaire, balança ‘‘la pensée unique’’ sur une foule d’analphabètes désirant ‘‘plus de lumière’’ pour sortir du village mental. Recopiant une idéologie allemande du XIXème siècle, elle éructa, 15 ans durant, le marxisme sur ‘‘les larges masses’’, tantôt ‘‘populaires’’, tantôt ‘‘laborieuses’’. Elle fit l’Ecole Nouvelle et s’en éloigna pour scolariser ses enfants hors du Bénin. Et les larges masses n’eurent que leurs yeux pour pleurer. Une rafale de kalach brisa le brillant Ministre de l’Intérieur. Cette casse, dictée tout là-haut, fut prétexte à resserrer les boulons afin que ‘‘pensée unique’’ rimât bien avec marche forcée dans la ‘‘ligne juste du Parti-Etat’’. Effrayés, nombre de Béninois partirent nuitamment en exil. Exilés ou pas, tous suffoquaient. Alors ils se concertèrent en 1990. Et ce fut le Renouveau démocratique.
Et c’est notre présent. Quand on le regarde de près, il est la copie, parfois soulignée, de notre passé. La population toujours à minorité lettrée et à majorité analphabète, avec la circonstance aggravante que les lettrés bredouillent la langue donnant accès sur l’extérieur et que les jeunes bafouillent les langues maternelles. Nous ne maîtrisons plus aucune langue du monde parce que les casses de l’Ecole Nouvelle sont vivaces sur des enseignants devenus, en gros, des jobards, à qui ça ne fait ni chaud ni froid que les vies neuves à eux confiées s’effondrent sur la ligne de départ. Jusqu’à récemment, ils étaient constamment en grève-repos. La natalité est restée intense. Au IIIème siècle avant Jésus-Christ, les Romains pauvres avaient cessé de faire des enfants afin d’éviter leur conscription aux armées pour des guerres qui ne profitaient qu’aux riches. Au contraire de la Rome antique, plus les Béninois sont pauvres et plus ils procréent pour partager la pauvreté avec leurs enfants et la décliner en misère avec eux. Nos leaders politiques singent à la perfection les ‘‘leaders historiques’’ : chacun cherche à supplanter son rival et non à servir le Bénin. Alors qu’ils n’ont de doctrine politique que la détestation mutuelle, ils sont tous aujourd’hui ‘‘unis’’ contre un seul, qu’ils soupçonnent de vouloir les rayer du paysage politique où ils paradent depuis 29 ans. Etc.
Nous voici en 2029. Non plus 11 millions mais 20 millions environ. Avec les mêmes tares. On tremble à y penser. Pour que dans dix ans le Bénin ne soit pas la copie dégradée du Dahomey à deux millions en 1960, certains préconisent une ‘‘bonne guerre’’. Ils sont fous. D’autres préconisent un Jerry Rawlings, première version. Mais ont-ils calculé le nombre de Béninois à fusiller sans procès ? Environ 250 présidents de 250 partis politiques, les chefs de collectivité autoproclamés rois et arborant diadème et perles pour siphonner l’argent public, les vice-présidents et les vice-rois, etc. Un carnage. Le Bénin peut l’éviter en se passant d’un Rawlings béninois. La solution á nous-mêmes est en nous-mêmes. Nous la trouverons en la cherchant avec sincérité et désintéressement du côté de ce que Montesquieu appelle ‘‘vertu politique’’, et qui est pour lui synonyme de ‘‘l’amour de la patrie et de l’égalité’’.

Roger Gbégnonvi


Partager

Articles similaires

Chronique Roger Gbégnonvi| Enigme à résoudre pour vaincre le Covid-19

Venance TONONGBE

Bénin gouvernance : Ce qu’il faut dire à Talon

Venance TONONGBE

Bénin-Gouvernance : Il y a exil et exil

Venance TONONGBE

Laissez un commentaire

You cannot copy content of this page