lamétéo.info
Chronique

Au Bénin la paix d’enfer

Partager

Dans l’histoire des hommes et des âmes, il est deux endroits où la paix règne en permanence : le paradis où ça ne peut pas être mieux, et l’enfer où ça ne peut pas être pire. De part et d’autre une stabilité désirable. Il se trouve que depuis des lustres, le Bénin, dans sa partie dahoméenne, a opté, dès ici-bas, pour la paix d’enfer. En voici la preuve par trois.
1- ‘‘Lorsque le roi du Danxomè, Hwegbaja, a envoyé son fils au marché, il ne lui a pas demandé de rapporter perles, argent ou quelqu’autre objet précieux ; c’est la Domination qu’il lui a ordonné de ramener.’’ Le mot que Barthélemy Adoukonou traduit par Domination (sic) est ‘‘ganhunu’’, être plus fort, que précise souvent ‘‘ganhumê’’, être plus fort que l’autre, que précise aussi l’adage ‘‘ganhumê o, nudagbè wê’’, ‘‘il est bon d’être plus fort que l’autre’’, d’avoir le POUVOIR de l’écraser. Et il se trouve que depuis Hwegbaja (1650-1680), sinon bien avant lui, les Béninois, en tout cas les Dahoméens, sont dans la quête forcenée de ladite Domination (ganhunu, ganhumê) avec des fortunes diverses. Cette course frénétique de tous à l’écrasement-domination de tous a généré l’écrit de Paul Hazoumê en avril 1931 :
2- ‘‘Le caractère propre de la mentalité des peuplades dahoméennes est une méfiance toujours en éveil vis-à-vis des adversaires vrais ou supposés dont tout Indigène se croit menacé. On comprendra qu’avec de telles dispositions les Dahoméens aient été portés à s’entourer de protection et qu’ils aient recouru à la ‘‘solidarité’’ que créait précisément l’Amitié jurée.’’ Or, et c’était à prévoir, de ‘‘boire le vaudou’’ ensemble avec l’autre, de contracter avec lui le ‘‘pacte de sang’’, est un leurre, et c’est encore Paul Hazoumê qui le dit : ‘‘Certains conjurés veulent pouvoir violer impunément leur foi.- La corde qu’ils dénouent en disant : ‘‘Si nous devons faire des révélations, nous en avons la complète liberté, notre bouche n’étant plus close’’, ménage une issue à la trahison.’’ Trahison étale et normale dans notre jungle d’hommes-lions prêts à dévorer le prochain et le lointain. Cette volonté de dévoration sans limites a sombré dans une terne neutralisation de tous, tous étant devenus herbivores, et débouché sur une paix d’enfer. Pas la paix des braves ou des cimetières, mais la paix de la sclérose sociétale, puisque personne n’avance, tous étant transis, arme au pied. Souvent d’ailleurs, grâce à l’impitoyable sorcellerie, une personne en mange une autre, afin qu’il reste établi que nous sommes carnassiers dans l’âme et que si tu manques de vigilance, on te dévore. Ce sauve-qui-peut général et ankylosant commande le dire de l’octogénaire Felódì en juillet 1974. Prié de bien vouloir expliquer son nom, le notable de Toffo répond :
3- ‘‘C’est un nom de colère, un nom pour semer la peur et l’inimitié. Car, où que tu regardes, tu ne vois que des ennemis. Partout on te menace. Tous veulent ta ruine. Si tu prospères, ils se mettront en travers, tels des moutons venus ravager ton champ de gombo. C’est ça mon nom. ‘‘Kan ton gbó ma lon nu felódì’’. C’est aussi mon nom vaudou.’’
Partie, selon les textes, du Dahomey historique, la paix d’enfer ronge le Bénin géographique, devenu patrie de Sisyphe. Car le progrès exclut la trahison non-stop. Il exige la confiance, que peut superviser un tiers agréé par l’Etat. Or le serment que ne garantit pas la communion au Vaudou dans la religion ne sera pas garanti par l’adhésion à la loi dans la république. Notre paix d’enfer est un cauchemar collectif les yeux ouverts. Nous devons en sortir pour avancer, accomplir deux tâches urgentes : l’écriture pour tous dans toutes nos langues, et la natalité ajustée au nombre d’enfants que chaque couple peut élever, ajustée à la capacité du Bénin de créer des emplois. Nous devons quitter la paix d’enfer. Au sein de la Religion et de la République, élever notre niveau de conscience. A la quête de la Domination substituer l’éthique de l’Honneur. Guérir en tout cas de cette peste de la paix d’enfer.

Roger Gbégnonvi


Partager

Articles similaires

[Chronique Roger Gbégnonvi] Chemins et textes pour la victoire

Venance TONONGBE

Inondation et lieux similaires du tragique de l’homme [Chronique Roger Gbégnonvi]

Venance TONONGBE

Et si l’oracle FA était un frein de plus ? [Chronique Roger Gbégnonvi]

Venance TONONGBE

Laissez un commentaire

You cannot copy content of this page