Si par essence, la paix s’oppose à la guerre, il peut paraître anachronique que soit décerné à un ressortissant d’un pays presque toujours en guerre, le prix Nobel de la paix. C’est pourtant ce que l’académie suédoise a fait en décernant le prix Nobel de la paix 2018 au Congolais Denis Mukwege et l’Irakienne Nadia Mourad. Symbole fort de la promotion de la paix, partout menacée, cette consécration est significative a plus d’un titre pour le Docteur Mukwege ! Cependant, cette distinction est révélatrice des nombreux paradoxes qui caractérise ce pays, aux ressources naturelles inestimables. Premier niveau de paradoxe, la RDC est un pays en guerre depuis son accession à l’indépendance le 30 juin 1960. Une situation de conflit permanent qui fragilise la paix. Pourtant, l’académie Nobel ne s’est pas attardée sur cette plaie béante de l’histoire congolaise. En attribuant le Nobel de la paix de cette année au gynécologue congolais, elle semble garder l’espoir que par des actions isolées comme celles de Mukwege, la paix pourra, un jour, renaître de ses cendres dans ce Congo pas encore Démocratique. Autre paradoxe, Denis Mukwege est engagé dans une lutte que ses efforts ne parviennent pas encore à enrayer. Devenu populaire du fait de son engagement en contre les violences faites aux femmes , Mukwege, considéré comme “l’homme qui répare les femmes”, n’est pas encore au bout de ses peines. Malgré ses efforts de réparation des femmes victimes de viol, le phénomène reste toujours en vogue dans la province du Bukavu où il exerce. Aussi, loin d’être un Nobel de consécration pour lui, ce prix reste-t-il plutôt une distinction d’encouragement à persévérer dans cette vocation qu’il s’est découverte. Face aux fanatisme de rebelles et autres forces loyalistes qui font du viol, une arme de guerre, le Docteur Mukwege n’est pas au bout de ses peines. Cette lutte qui dure pourtant vingt ans déjà, donne l’impression de n’être qu’à ses débuts. Ce Nobel est donc une bouffée d’oxygène pour un homme qui, depuis deux décennies, a tout donné pour cette mission, parfois au péril de sa vie.
Raoul Hountondji
