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Éditorial

Bénin-éducation: Armée des preux contre année blanche-morte

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En embuscade dans le clair-obscur de la confusion, ils guettent la perspective de morts par dizaines pour faire céder l’Etat qui aura pris peur, ils guettent la perspective d’une année blanche pour faire céder l’Etat qui n’en voudra pas. Pauvre Etat pris entre des factions corporatistes qui ont érigé l’immobilisme en bravoure néfaste au bon fonctionnement de la République. ‘‘Nous pas bouger, pas moyen bouger’’, chante-t-on dans la langue de Moussa.

Laissons les morts éventuels pour cause d’hôpitaux fermés. Même en ces solennités pascales, nul ne saurait les ressusciter. Puisse, le cas échéant, la terre leur être légère. Sous la Révolution devenue incapable de payer les fonctionnaires, nous avons subi deux années blanches, deux années mortes pour tous les apprenants. Ce n’est pas si grave pour les étudiants : à même de travailler seuls, sans autres guides que livres et manuels, ils peuvent mettre à profit une année académique sans évaluation, pour se renforcer dans les disciplines qui leur résistent. Ce n’est pas le cas des écoliers et des élèves. Ils ont besoin de leurs maîtres. Pour eux, une année blanche est une année bien morte, un membre de leur corps amputé, une année irrattrapable dans leur cursus scolaire. Cette mort blanche peut avoir sur l’enfant et sur l’adolescent des conséquences graves appelées dégoût, révolte, abandon, délinquance. Si par malheur, l’année scolaire 2017-2018 bégayante vient à être déclarée blanche-morte, comment, cette fois-ci, éviter à nos enfants et petits-enfants du primaire et du secondaire le traumatisme d’un vide où peuvent germer des vices nauséabonds ?

Élèves dans les rues réclamant les cours
Élèves dans les rues réclamant les cours

Dans certaines agglomérations du Bénin que ne mentionne aucune carte, il se trouve toujours un sexagénaire ou un septuagénaire lettré qui remue ciel et terre, fait appel à Fondations et ONG pour que soit érigée dans son ‘‘coin’’ une école, si humble soit-elle. C’est dire quelle conscience nous avons prise de la nécessité de l’école. Cette conscience nous fait obligation d’être conséquents. Le cas échéant d’une année blanche, une fois de plus, une fois de trop, nous prendrons l’autorisation des responsables de nos lieux de résidence. Alors, dans les classes désertées des écoles et collèges, à raison de deux heures par semaine pour chaque lettré volontaire, à heures fixes, nous nous tiendrons à disposition de nos enfants désireux d’atténuer le vide créé par l’abandon des maîtres. Nous ne saurions nous substituer à ceux-ci, puisque nos prestations, bénévoles, ne seront sanctionnées par aucune évaluation académique. Il s’agira pour nous de travailler à ne pas désespérer nos enfants et petits-enfants abandonnés à la rue et à des parents désemparés. Au temps de la Révolution, nous avions déclaré que tout cadre était enseignant. C’était faux, dans la mesure où il était souvent demandé au cadre d’enseigner une discipline qui n’était pas de sa compétence. On n’avait pas le droit de confier à un juriste l’enseignement de l’anglais ou du français. Mais aujourd’hui, si la turpitude s’en vient à nouveau, une infirmière à la retraite pourra parler de biologie avec nos enfants laissés à l’abandon, les en entretenir méthodiquement sans faire véritablement cours. Un commissaire de police à la retraite pourra leur parler de droit, etc.
Et pendant que nous le faisons, nous obtiendrons de l’Etat qu’il prenne langue avec les syndicats pour que, à l’avenir, en cas de grève molle ou dure, on épargne toujours et nécessairement les apprenants du primaire et du secondaire. Tel sera le combat. Tel sera le double devoir de l’armée des preux, si d’aventure l’année 2017-2018 venait à être déclarée blanche-morte. Sauver notre avenir. Sauver l’avenir du Bénin. Nous le ferons pour changer et enchanter le cours de notre histoire. Nous le ferons pour plaire à Aimé Césaire, qui ne pourra plus ironiser que ‘‘Rien ne put nous insurger jamais vers quelque noble aventure désespérée.’’ Nous le ferons pour l’honneur et pour la dignité de l’homme au Bénin.

Roger Gbégnonvi


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