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Diplomatie Bénin-France: Macron recevra Talon

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Grand émoi chez les Béninois. Contrairement à leur attente, les deux Chefs d’Etat, béninois et français, ne se sont pas rencontrés lors du dernier séjour du Béninois à Paris. Comment donc ? Ces deux-là veulent réformer en profondeur leur pays quand même leurs concitoyens respectifs voient en tout réformateur politique un tortionnaire qui s’ignore et à qui il faut barrer la route illico. Ces deux-là sont nouveaux sur la scène politique mondiale, etc. Ces deux-là ont tant de choses á se dire, et ils se sont ‘‘ratés’’ ! Les Dahoméens, encore là à l’heure du Bénin, sourient à ces deux-là en se demandant jusques à quand la France et le Bénin n’en rateront pas une en matière de diplomatie du je-t’aime-moi-non-plus.

Le président Pompidou ne s’est jamais rendu au Dahomey. Il venait de commencer son périple africain quand le Gouvernement Militaire Révolutionnaire s’est saisi du pouvoir à Cotonou. Le chef de la junte s’était empressé de montrer l’avantage de la situation : au lieu d’avoir comme interlocuteurs les trois membres du Conseil Présidentiel que lui et ses camarades venaient de chasser, le président français n’aurait que lui en face pour discuter, ce qui bonifie le dialogue. Peu ou pas convaincu, le président Pompidou s’arrêta à Lomé et ne vint pas à Cotonou où sa présence eût été une hexagonale bénédiction à des putschistes.
De 1894 à 1960, en 66 ans de colonisation, le Dahomey aura connu, de l’avis des historiens, un nombre trop élevé de gouverneurs. Ils se succédaient frénétiquement au rythme des intrigues des colonisés, sous l’effet de fièvres à la violence inexpliquée, poussés sur une civière suite à un truc étrange non létal caché dans le jambon par le cuisinier local gagné aux thèses des premiers diplômés dahoméens décidés à remplacer sans délai tous les Français. Rude concurrence. Robert Cornevin offre une liste de 19 gouverneurs entre 1894 et 1945. Deux occupèrent le fauteuil quelques semaines, un troisième quelques mois, deux autres un an. Deux battirent le record de six ans. Le record absolu – et incroyable – fut de 11 ans. Mais l’on sait comment s’y prit le futé. Sans jeu de mots, il se fournit en épouses dans les grandes familles du littoral, ce qui le rendit intouchable dans les loges où l’on écourtait la durée de mandat des gouverneurs, car on ne précipite pas son gendre sur une civière. Ses justes noces nombreuses lui ont ménagé une belle descendance dont le Bénin s’honorera toujours car, viscéralement syncrétistes, les Béninois aiment les métissages non conflictuels.
Fin septembre 2017, deux cailloux ont ébréché quelque peu le miroir de la diplomatie franco-béninoise. A l’intérieur, la Justice béninoise venait de retourner à Samuel Dossou le marché de la Boucle Ferroviaire, qu’il avait gagné, et qui s’était retrouvé, par miracle, entre les mains de Vincent Bolloré. A l’extérieur, les voisins togolais battaient le pavé pour crier leur ras l’bol de 50 ans d’une autocratie dynastique violente, dont la France s’accommode plutôt bien. Pressé donc de plaire à d’autres amis aussi, Emmanuel Macron ne pouvait pas, début octobre, dérouler le tapis rouge pour Patrice Talon, à la tête d’un pays aux amazones terribles et qui a fait de l’alternance au sommet de l’Etat le 11ème commandement de Dieu.
Mais Talon chez Macron, c’est évidemment pour bientôt. Devenu marxiste-léniniste pour regarder ailleurs et faisant risette à tous les rebelles de la terre, le Bénin fut privé d’Ambassadeur de France pendant toute une année. La balle est à terre depuis si longtemps que peu savent qu’elle fut un jour en l’air. Les clapotis de surface n’altèrent pas notre fraternité : à la France toujours suspecte d’insurrection répond le Bénin toujours suspect d’insoumission. Emmanuel Macron n’aime pas les ‘‘extrêmes’’, les Béninois non plus, qui s’arrêtent toujours avant le précipice. Qu’on se le dise donc, Macron recevra Talon pour toutes les bonnes idées que les deux ont à se partager pour le ciel bleu de notre fraternité.

Roger Gbégnonvi


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