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Chronique

Hommage: Pour Richard de Medeiros

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D’une personne qui rend le dernier soupir, on dit souvent qu’elle s’est éteinte. Juste expression lorsque, par monts et par vaux, la vie de la personne qui nous quitte a correspondu à la vocation christique de l’homme : ‘‘Vous êtes la lumière du monde.’’

Le professeur Richard de Medeiros, agrégé de l’Université, s’est éteint le 5 août 2017, à la fin d’une vie qu’il a consacrée à éveiller ses étudiants au désir du beau et du bien. Ses étudiants, nous le fûmes dans les années 1972 à l’Université nationale du Bénin (actuelle Université d’Abomey-Calavi). Quand avons-nous franchi le seuil entre le statut d’étudiants et celui de disciples pour ne plus appeler Richard de Medeiros que du seul nom de Le Maître ? Nul ne saurait le dire. Mais toujours est-il qu’il se dégageait de sa personne quelque chose d’irradiant, de fascinant, de charmant au sens fétiche du terme. Et nous avons suivi l’étoile. Eminemment professeur pendant ses enseignements, il avait le don de se fondre, à l’issue des cours, dans notre communauté d’étudiants. Grande et noble camaraderie. ‘‘Et sa parole nous est plus fraîche que l’eau neuve. Fraîcheur et gage de fraîcheur…’’ (Saint-John Perse).
Le Maître. Richard de Medeiros l’était de connivence avec le héros du ‘‘Cercle des poètes disparus’’, ce professeur qui, au travers de la poésie, faisait voyager ses jeunes lycéens hors d’eux-mêmes à la rencontre des perles du monde inexploré, comme on découvre, en eau profonde, les couleurs ineffables des paradis sous-marins. Emergés, mais encore enchantés par les ailleurs de l’existence, les enfants n’avaient qu’un mot pour dire et remercier leur mentor : ‘‘Ô Capitaine, mon Capitaine !’’. Pour nous, leurs grands frères lointains, Le Maître était aussi notre commandant de vaisseau : Ô Capitaine, mon Capitaine !
Nous ne l’avons jamais vu soumis à l’appât du gain. Libéré de la frénésie de l’avoir et des ‘‘réalisations’’ à la béninoise, il s’adonnait au beau et à la création du beau. Choquée par la nouvelle de son décès, l’une de ses disciples se consola : ‘‘Passionné de littérature et de cinéma.’’ De quoi déplaire pourtant à la plupart des Béninois qui, les yeux rivés ‘‘sur toutes choses périssables, sur toutes choses saisissables, parmi le monde entier des choses…’’ (id.), veulent l’assurance du concret et du solide dans l’immédiat ; non pas l’aléatoire des mots, mais leur pouvoir incantatoire ; et pas de commerce avec l’image, ombre trop fragile des choses. Là-dessus, de Gaulle aussi, soldat s’il en fût, entretint des doutes aussitôt balayés par lui-même. A son ami Malraux, écrivain, guérillero et ministre, il se confia : ‘‘On ne fait rien de sérieux si on se soumet aux chimères, mais que faire de grand sans elles ?’’ Et il est vrai que lui, qui avait toujours eu ‘‘une certaine idée de la France’’, écrivait déjà des livres avant de devenir l’homme du 18 juin pour appeler à la résistance et à la guerre. Et il est vrai que André Breton, qui écrivit des livres parce qu’il n’aimait pas la littérature, a écrit que ‘‘la littérature est l’un des plus tristes chemins qui mènent à tout’’. Pourquoi triste ?
Au travers des mots et des images, Le Maître nous enseigna la grandeur, celle du beau et du bien. Et la lumière ne s’est pas éteinte, qui s’est offerte et donnée, à travers les pages de la revue ‘‘Perspectives 7’’ par lui créée, à travers les trois films par lui tournés, à travers ses mémorables ‘‘Nuits du 7ème art’’, emplies de séances de cinéma, du crépuscule du soir au crépuscule du matin. Sa fille et son garçon achèveront peut-être le quatrième film qu’il avait en chantier. In nomine patris. Le Maître parmi nous. Nos fils et nos filles nous ont entendus parler du Maître. Avec eux nous sommes en deuil. Mais Teilhard de Chardin, que Le Maître lisait, dit qu’ ‘‘Il faut absorber le mal dans un excès de fidélité.’’ Et nous voici fidèles à la mémoire du Maître jusqu’à l’excès. Car lui, Le Maître, en esprit et en intensité dans la cité, ce ne peut être que pour le bonheur de la cité. Merci Maître. Merci infiniment.

Roger Gbégnonvi


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2 Commentaires

effon M. août 14, 2017 at 7:31

Juste un hommage et vous venez d’écrire le plus beau poème du temps. Vous donnez envie professeur GBEGNONVI de retourner à l’école. Ce n’ai malheureusement plus la mode. Merci pour les vers, je les relirai autant que se peut en mémoire de tonton Richard comme l’appel affectueusement mon ami son neuveu Serges DOSSOU.
Que l’âme du MAÎTRE repose en paix!

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Guillaume Parent mai 13, 2019 at 11:29

La tragédie qui vient de frapper le Bénin m’a rappelé M. De Meideros qui a été mon professeur de français à la Capelle en 1986. Il était une source d’inspiration, à la fois dans la rigueur inflexible mais aussi par sa bienveillance. Il a pu nous permettre, idiots de la campagne, à nous surpasser en exigeant beaucoup de nous. C’était un homme bon et la nouvelle de sa disparition m’attriste. J’adresse à ses proches toute ma sympathie.
Je lui suis reconnaissant car sans lui, je n’aurais certainement pas fait des études qui m’ont permis de me réaliser.
Je tiens à vous remercier pour vos bons mots auxquels je souscris pour sa mémoire et ma reconnaissance éternelle.
Amitiés

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