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Chronique

Quand les Béninois refusent tout contrat social

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Le naturel de l’homme, c’est d’être incapable de vouloir ce qui est bien pour la société quand c’est mauvais pour lui. Ce naturel, les Allemands, les Chinois, les Suédois, etc., le contournent afin d’assurer leur vivre-ensemble pour le meilleur. Les codes de ce contournement pour le meilleur constituent la matière du ‘‘Contrat social’’ de Rousseau. Ces codes, les Béninois les refusent avec constance. Amis sincères de la démocratie à l’aune des Lumières, ils refusent pourtant tout contrat social moderne. Lorsque, en 2001-2002, l’administrateur de Cotonou, Jérôme Dandjinou, décida de donner à la capitale économique un visage moderne et attrayant, il dut reculer : ‘‘On est bien comme ça. Tu ne casses rien !’’

Les nuits blanches de Patrice Talon n’ont donc rien de nouveau. Deux de ses devanciers ont connu le goût amer du refus des Béninois de tout contrat social moderne. En 1968, le Dahomey en faillite aigüe ne valait pas un kopeck à l’argus des nations. Les militaires putschistes, responsables de la débâcle, durent faire appel à un homme d’envergure pour sauver les meubles. Ils remirent le pouvoir au Dr Emile Derlin Zinsou pour ‘‘cinq ans au moins’’. Volontariste, Zinsou s’attela à redonner dignité et respectabilité au Dahomey. ‘‘Je ne serai pas le chef prostitué d’un pays à genoux’’. Un petit effort donc. Mal lui en prit. A la satisfaction de l’ensemble du pays, ceux qui lui avaient remis le pouvoir pour cinq ans le lui arrachèrent au bout de dix-huit mois, au motif qu’il s’apprêtait à instaurer une dictature. On attend toujours les preuves. Il est plutôt certain que les Dahoméens et leur armée déniaient à Zinsou le droit de faire preuve d’autorité et d’avoir de l’ambition pour le Dahomey.
Après 17 années de galimatias militaro-autocratique prétendu marxiste-léniniste, et qui mit le Bénin par terre, nous avons tenu Conférence Nationale et y avons proclamé que ‘‘Nous avons vaincu la fatalité’’. Pour bien la vaincre, il fallait élire à la tête du Bénin un homme qui sût parler à la Banque mondiale et au FMI. Ce fut Nicéphore D. Soglo. Tâche herculéenne que fut la sienne. Il fit appel à des talents nouveaux et réussit au bout de six ans au total à remettre le Bénin en état de marche. Mais sa réussite déplut aux ‘‘anciens’’ déçus de n’avoir pas été associés au pouvoir. Ils décidèrent de barrer la voie du second mandat à Soglo, accusé d’arrogance et de tropisme familial, arguments hautement politiques pour les repus insatiables. Pour ces gens-là en vérité, Soglo n’avait pas le droit d’avoir de la hauteur de vue et de l’ambition pour le Bénin. La preuve : pour s’assurer du succès de la besogne, ces anciens, appelés aussi ‘‘sages’’, remplacèrent Soglo par l’auteur de la fatalité qu’ils avaient pourtant proclamée vaincue. C’est cette turpitude qui surgit à l’esprit quand on entend proclamer ‘‘Ici, c’est le Bénin !’’ Cette turpitude que Me Robert Dossou baptisa béninoiserie.
Et la béninoiserie voit déjà Patrice Talon braiser non-stop en enfer, où l’a précipité un péché violent : il se gave de la pauvreté des Béninois. En attendant les preuves, on subodore que, pour l’ensemble des Béninois, le citoyen Talon n’avait tout simplement pas le droit d’être déjà ‘‘si riche’’ avant d’accéder au pouvoir. Défié par la béninoiserie, de quelle arme dispose Talon pour appliquer le contrat social qu’il a conclu avec le Bénin et qui a été validé dans les urnes par 65% des électeurs ? Il l’a trouvée tout seul : le mandat présidentiel unique pour lui-même et pour lui tout seul. ‘‘J’aviserai.’’ Non ! Il doit s’y tenir, en avançant avec méthode et transparence pour mettre le Bénin sur orbite de modernité. Ne pas verser dans la politique politicienne, car c’est ce qu’attendent de lui tous les cyniques, partisans de la stagnation et de l’échec perlé. Au vu des résultats, le peuple lui-même avisera en 2021, et insistera peut-être pour conclure avec Patrice Talon un dernier contrat social quinquennal lui permettant d’amplifier l’effort d’embellissement de nos existences. Jusque-là, tenir, avancer.

Roger Gbégnonvi


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